Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/56

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prit, on se prépare à sa purification finale, et tu ne perds pas aux yeux du monde en menant une vie chaste. Tu obtiendras justice lorsqu’on réglera le compte général.

— Je ne suis point un débiteur assez récalcitrant pour refuser à la Providence ce que je lui dois. Je sais très-bien que ce qui doit arriver ne peut pas être évité ; ainsi donc je crois que la patience est une vertu. Mais j’espère que ce compte dont vous nous parlez si souvent est tenu avec des égards suffisants pour un pauvre homme ; car, pour vous dire la vérité, mon père, nous ne terminons pas fort avantageusement ceux de ce monde

— Ta bonne réputation doit te donner du crédit parmi tes compatriotes, Gottlob.

— Je voudrais que cela fût vrai ! Il me semble que le monde est fort prompt à accuser, tandis qu’il est avare comme un juif quand il s’agit de donner une bonne réputation. Je n’ai jamais fait une mauvaise action ; mais comme nous sommes tous mortels et fragiles, révérend moine, cet accident peut arriver même à un saint ou à un bénédictin. Je prie Dieu que mes fautes ne s’élèvent pas contre moi en lettres qu’un aveugle pourrait lire, tandis que la plupart de mes qualités (et pour un gardeur de bestiaux elles sont assez brillantes) semblent être oubliées. Maintenant, votre abbé, Son Altesse l’électeur, ou même le comte Emich…

— Le landgrave ! interrompit le moine en riant.

— Comme vous voudrez[1], père Siegfried, il est comte d’Hartenbourg, et un noble de Leiningen ; et même il ne fait pas un acte de charité ou de simple justice que tout le monde ne saisisse l’occasion de le proclamer aussi haut qu’on me blâme pour la perte momentanée d’une vache, ou quelques autres petites fautes échappées à un homme qui, se croyant fort de vos saintes instructions, tombe quelquefois dans le péché.

— Tu es un casuiste, et une autre fois j’examinerai avec plus d’attention la trempe de ton esprit. Maintenant il faut obtenir les bonnes grâces de l’Église, en s’occupant un peu plus de ses intérêts. Je me rappelle ton adresse et ton esprit, Gottlob, car l’un et l’autre ont été remarqués dans tes visites au couvent ; mais, jusqu’à ce moment, il n’y a pas eu de raisons suffisantes pour faire usage du dernier, comme nous pourrions le réclamer, con-

  1. Été ou hiver, comme vous voudrez. Il y a dans le texte un calembour intraduisible.