Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/55

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— Votre Révérence ne croit peut-être pas que je sache ce que je dis, mais il y en a des preuves évidentes. Je ne connais rien qui donne à un homme des idées confuses comme la science. Celui qui n’a qu’un cor peut le prendre et aller son chemin, mais celui qui en a plusieurs peut perdre son troupeau tandis qu’il choisit entre ses instruments celui qui vaut le mieux. Celui qui n’a qu’une épée la tirera et tuera son ennemi ; mais celui qui a une armure complète peut perdre la vie tandis qu’il met son bouclier ou son casque.

— Je ne t’aurais pas cru si adroit dans tes réponses. Et tu penses que les braves habitants de Duerckheim resteront neutres entre l’abbé et le comte ?

— Mon père, si vous pouviez me montrer de quel côté l’on vaincra, je crois que je pourrais dire avec certitude pour quel côté ils seront disposés à tirer l’épée. Nos bourgeois sont des hommes prudents, comme je vous l’ai dit, et on ne les a pas vus souvent combattre contre leurs intérêts.

— Tu devrais savoir, mon fils, que celui qui est le plus favorisé dans cette vie voit souvent les balances de la justice peser contre lui dans l’autre ; tandis que celui qui souffre selon la chair trouvera ses avantages dans l’esprit.

Himmel ! dans ce cas, révérend bénédictin, le saint abbé de Limbourg, lui-même, pourra être plus mal loti dans l’autre monde qu’un paysan qui vit dans celui-ci comme un chien ! s’écria Gottlob avec un air d’admiration et de simplicité qui trompa complètement son auditeur. On dit que l’un se réconforte de toutes les manières, et connaît la différence entre une coupe du pur vin du Rhin et les liqueurs frelatées qui viennent de l’autre côté de nos montagnes ; tandis que le paysan, soit par nécessité, soit par goût, je ne puis décider lequel, ne boit que de l’eau de source. C’est bien dommage qu’on ne sache jamais que choisir, ou du bonheur présent suivi de souffrances dans l’autre monde, ou d’une vie passée dans le jeûne, à laquelle succède une récompense éternelle ! Croyez-moi, père Siegfried, si Votre Révérence pensait davantage à ces épreuves auxquelles nous sommes soumis, nous autres ignorants jeunes gens, vous ne nous donneriez pas de pénitences aussi sévères que votre vertu vous excite souvent à le faire.

— C’est agir pour ton bien présent et futur. En châtiant l’es-