Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/61

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Méta, la fille unique d’Henrich Frey, le bourgmestre de Duerckheim. Personne ne connaît votre condition et vos espérances mieux que moi, car personne n’en a entendu parler plus souvent.

La damoiselle baissa la tête d’un air de regret et de repentir, et lorsque ses yeux bleus, adoucis par les rayons de la lune, rencontrèrent les regards du forestier, il vit que de meilleurs sentiments l’avaient emporté.

— Je n’ai point envie de rappeler la condition de mon père, ni aucun des avantages d’une situation que je dois au hasard, surtout en m’adressant à vous, répondit la jeune fille avec émotion ; mais j’étais chagrine en pensant que vous imaginiez peut-être que j’avais oublié la modestie d’une jeune fille de mon rang… Je craignais encore que vous pussiez croire… Vos manières sont bien changées depuis quelque temps, Berchthold !

— Alors c’est sans que je le sache ou sans intention. Mais nous oublierons le passé, et vous me direz par quel miracle je vous trouve dans ce lieu redouté à une heure si indue ?

Méta sourit, et l’expression de sa physionomie prouva que si elle avait des moments de faiblesse peu charitable, c’était plutôt un vrai sacrifice qu’elle faisait aux opinions du monde qu’une habitude de son caractère franc et généreux.

— Je pourrais vous faire la même question, Berchthold, et demander au nom de ma curiosité de femme de recevoir une prompte réponse. Pourquoi êtes-vous ici, Berchthold, à une heure où la plupart des jeunes chasseurs dorment ?

— Je suis le forestier du comte Emich ; mais vous, comme vous venez de me le dire, vous êtes la fille du bourgmestre de Duerckheim.

— Je reconnais toute la différence. Si ma mère savait qu’on me demande compte de ma conduite, elle me dirait : — Méta, garde tes explications pour ceux qui ont droit de les demander.

— Et Henrich Frey ?

— Il n’approuverait pas plus la visite que cette explication.

— Ton père ne m’aime pas, Méta.

— Ce n’est pas vous qu’il n’aime pas, maître Berchthold, c’est le forestier du comte Emich ; si vous étiez ce qu’était votre père, un bourgeois de la ville, il vous estimerait davantage. Mais vous êtes en grande faveur auprès de ma mère.

— Que le ciel la bénisse ! puisque dans sa prospérité elle n’a