Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/62

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point oublié ceux qui sont tombés. Je crois que, de cœur comme de visage, Méta, tu ressembles plus à ta mère qu’à ton père.

— Je pense bien qu’il en est ainsi. Lorsque je te disais que j’étais la fille d’Henrich Frey, c’était sans penser à la différence qui existe maintenant entre nous, je te l’assure, Berchthold, mais pour montrer que si je me rappelais mon rang, je ne lui faisais pas injure. Je ne pense pas que la place soit déshonorante ; ceux qui la remplissent chez l’électeur sont nobles.

— Et ceux qui servent simplement des nobles ? Je ne suis qu’un valet, Méta, quoique mon genre de service ne puisse en rien humilier ma fierté.

— Et le comte Emich lui-même n’est-il pas un vassal de l’électeur, qui, à son tour, est un sujet de l’empereur ? Cette place ne peut vous faire aucun tort, Berchthold, et personne ne peut vous la reprocher.

— Je vous remercie, Méta. Vous êtes bien l’enfant de la plus ancienne, de la plus chère amie de ma mère ; et, malgré tout ce que le monde peut dire de la distance qui existe maintenant entre nous, votre excellent cœur prend ma défense : vous n’êtes pas seulement la plus belle, mais la meilleure et la plus douce damoiselle de la ville !

La fille unique, et par conséquent l’héritière du riche bourgmestre de Duerckheim, n’entendit pas l’éloge du beau forestier sans une grande mais secrète satisfaction.

— Maintenant vous saurez la raison de cette visite extraordinaire, dit Méta lorsqu’elle eut savouré quelque temps en silence le plaisir que venaient de lui causer les paroles de Berchthold, car je vous l’ai en quelque sorte promis, et je justifierais mal votre bonne opinion en oubliant une promesse. Vous connaissez le saint ermite, et la manière subite dont il parut dans l’Heidenmauer ?

— Personne ne l’ignore, et vous venez de voir que je lui rends moi-même visite.

— Je ne puis en deviner la raison ; mais il est certain qu’il n’avait pas été plus d’une semaine dans la ruine, lorsqu’il saisit l’occasion de me montrer plus d’estime qu’à aucune autre jeune fille de Duerckheim, et plus que mon mérite ne pouvait en réclamer.

— Comment ! ce coquin n’est-il qu’un hypocrite, après tout ?