Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/66

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peut-être dans les formes les plus pures et les moins factices au fond du cœur de ceux que la Providence a placés dans un état moyen entre l’extrême civilisation et l’ignorance ; entre la perversité que cause une trop grande indulgence, et l’égoïsme, qui est le fruit d’un travail trop constant. C’était la condition des deux jeunes gens qui s’entretiennent maintenant ensemble. Nous en avons dit assez pour prouver que Berchthold, quoique exerçant un emploi subalterne, avait reçu une éducation supérieure à sa situation ; circonstance qui est suffisamment expliquée par l’allusion qu’on a déjà faite à la perte de la fortune de ses parents. Son langage, en défendant généreusement Gisela, la fille de celui qui était chargé de garder les approches du château du comte Emich, était peut-être supérieur à ce qu’on eût attendu d’un simple forestier.

— Je ne me chargerai point de détailler les défauts de la beauté du château, si tant est qu’elle ait des défauts, dit-il, mais je puis dire beaucoup pour sa défense, sans crainte de blesser la vérité. Elle a un père dont les cheveux ont blanchi au service du comte Emich ; et il n’y a pas dans le monde un enfant qui montre plus de respect et d’affection pour celui auquel il doit le jour, que cet oiseau, dont le brillant plumage et la coquetterie semblent attirer les traits du chasseur.

— On dit qu’une fille soumise fait une femme obéissante et affectionnée.

— Cela n’en sera que plus heureux pour celui qui épousera la fille du vieux Frédéric. Je l’ai vue garder les portes bien avant dans la nuit, afin que son père pût prendre du repos, lorsque les seigneurs avaient fréquenté la forêt plus tard que de coutume, et veiller longtemps lorsque bien des jeunes filles de son âge eussent trouvé des excuses pour se mettre au lit. J’ai vu souvent de pareils exemples, ma place me forçant d’accompagner le comte Emich dans presque toutes ses chasses. Gisela est belle, personne ne peut le nier, et peut-être qu’au milieu de ses autres qualités la jeune fille le sait.

— Elle ne paraît pas être la seule du château de Hartenbourg qui le sache, maître Berchthold !

— Veux-tu parler, Méta, de l’abbé débauché qui vient de Paris, ou de ce moine soldat de Rhodes, qui habitent maintenant le château ? demanda le jeune forestier avec une simplicité qui eût