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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/67

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rassuré le cœur d’une coquette par son naturel et sa franchise. Maintenant, puisque tu soulèves cette question, je t’avouerai (quoiqu’un homme investi d’une place de confiance doive être prudent sur le compte de ceux que son maître aime), mais je connais ta discrétion ; Méta ; je te dirai que je soupçonne ces deux étrangers, serviteurs de l’Église, de s’occuper un peu plus de la pauvre fille que ce n’est convenable.

— Ta pauvre fille aurait sujet de se pendre ! En vérité, si des hommes comme ceux dont tu parles se permettaient des libertés à mon égard, le bourgmestre de Duerckheim serait instruit de leur hardiesse.

— Méta, ils n’oseraient pas ! La pauvre Gisela n’est pas la fille d’un riche citoyen, mais celle du concierge d’Hartenbourg, et il y a quelque différence entre vos caractères ; oh ! il y en a, car tu n’es point de ces jeunes filles qui cherchent l’admiration de tous les cavaliers qui passent, mais une fille qui sait ce qu’elle vaut et les égards qui lui sont dus. Tu as parlé un peu sévèrement de la jeune beauté de notre forteresse, je suis obligé de le dire ; mais te comparer à elle, soit pour les avantages de ton esprit, soit pour ceux de ta personne, cela ne pourrait se faire avec justice. Si elle est belle, tu es plus belle encore ; si elle est spirituelle, tu es sage !

— Ne te méprends pas sur mon compte, Berchthold, en pensant que j’ai de l’animosité contre la fille du concierge. Je connais l’esprit de cette fille, et je conviens qu’une personne placée malheureusement par la fortune dans une position comme la sienne, ne doit pas trouver qu’il est facile d’être toujours ce qu’une fille de son âge désirerait être. Je suis persuadée que si la destinée plaçait Gisela dans une meilleure position, son éducation et ses manières, qui sont un peu au-dessus de sa condition présente, lui feraient honneur.

— Et tu dis que ta mère connaît ta visite à l’ermitage ?

— Oui : ma mère ne s’est jamais opposée au respect que sa fille montre à l’Église ou à ses serviteurs.

— En effet, tu es une de celles qui vont le plus souvent à l’abbaye remplir leurs devoirs de chrétienne, Méta !

— Ne suis-je pas chrétienne ? voudrais-tu qu’une fille qui se respecte oubliât ses devoirs religieux  ?

— Je ne dis pas cela ; mais on dit, parmi nous autres chasseurs, que dernièrement le prieur a chargé son neveu, le frère Hugo, du