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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/85

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— Mes gens se rassemblent loyalement autour de leur seigneur, car ils ont entendu parler du secours envoyé par l’électeur pour soutenir ces paresseux de bénédictins. Quatre cents mercenaires reposent cette nuit dans les murs de l’abbaye, maître Latouche, et on ne doit pas être surpris que les vassaux d’Emich d’Hartenbourg soient prêts à tirer le sabre pour sa défense. Par la miséricorde de Dieu, ces rusés moines peuvent feindre la crainte, mais si quelqu’un ici pouvait être effrayé, ce devrait être le seigneur offensé du Jaegerthal !

— Ta position, cousin d’Hartenbourg, répartit le chevalier de Saint-Jean, est une des merveilles de la diplomatie. Te voilà prêt à tirer l’épée contre l’abbé de Limbourg, et à échanger des coups mortels, pour mettre un terme à cette suprématie si longtemps disputée, puis tu donnes ordre à ton sommelier de préparer les vins les plus choisis de ta cave pour orner un repas offert à ton plus mortel ennemi ! Cela l’emporte, monsieur Latouche, sur la position d’un abbé de votre façon qui est à peine assez homme d’église pour faire son salut, et pas assez profondément pécheur pour être damné sans rémission avec la masse des réprouvés.

— Il faut espérer que nous partagerons le sort commun des mortels qui recevront plus de grâces qu’ils ne le méritent, répondit l’abbé, titre qui en effet annonçait à peine un homme voué à l’église. Mais j’espère que cette rencontre entre les parties hostiles sera amicale, car, pour dire la vérité, je ne ressemble pas à notre ami le chevalier, et je n’appartiens point à un ordre guerrier.

— Écoutez, dit le comte en levant un doigt pour commander l’attention ; n’entendez-vous rien ?

— C’est la musique de vos grognards qui sont dans la cour, cousin, et quelques jurons en allemand qui n’ont pas besoin d’être traduits pour être compris ; mais ce bienheureux signal, la cloche du souper, est toujours muette.

— Ah ! c’est l’abbé de Limbourg et ses religieux, les pères Siegfried et Cuno. Allons au portail pour leur rendre les honneurs ordinaires.

Comme c’était une bonne nouvelle pour le chevalier et l’abbé, ils manifestèrent un grand désir d’être les premiers à payer cette attention à un personnage aussi important dans le pays que le riche et puissant abbé du couvent voisin.