Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/95

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lences ! mais je ne prétends pas imposer des limites à mes désirs en ta faveur, et je rejette le blâme de la manière imparfaite dont je les ai exprimés sur une jeunesse plus occupée de l’épée que du bréviaire. Maintenant passons aux affaires sérieuses. Vous ne savez peut-être pas, cousin de Viederbach, ni vous, monsieur Latouche, qu’il y a un sujet de querelle amicale entre la communauté de Limbourg et mon humble maison, relativement à certaines vignes qu’une partie croit lui être dues, et qui, suivant l’autre, ne sont qu’un don pieux accordé à l’Église.

— Oh ! noble Emich ! interrompit l’abbé, nous n’avons jamais cru qu’il pût y avoir matière à contestation. Les terres en question sont tenues par nous en roture, et en échange de services corporels que nous avons depuis longtemps commués en produits de vignes, faciles à vous désigner.

— Je vous demande bien pardon ; si elles sont dues le moins du monde, c’est à charge de services de chevaliers ; personne de mon nom ni de ma famille n’en a jamais payé d’autres à un mortel.

— Que cela soit ainsi, si vous le voulez, répondit Boniface avec plus de douceur ; la question est sur le nombre des tonneaux, et non pas sur le rang de ceux dont ils viennent.

— Tu dis vrai, sage abbé, et je demande à nos convives de t’écouter. Raconte toi-même cette affaire, révérend Boniface, afin que nos amis puissent connaître le sujet qui nous divise.

Le comte d’Hartenbourg réussit à dévorer sa colère naissante et, en terminant sa phrase, il fit à l’abbé un geste de courtoisie. Le père Boniface se leva de nouveau, et, malgré les ravages physiques que l’effet des liqueurs produisait intérieurement sur lui, il prit l’air calme et contrit qui convenait à son caractère religieux.

— Comme notre estimable ami vient de vous l’apprendre, dit-il, il y a, en effet, un point de contestation qui ne devrait point exister entre d’aussi bons voisins, et qui s’est élevé entre le noble Emich et nous autres serviteurs de Dieu. Les comtes de Leiningen ont longtemps trouvé du plaisir à favoriser l’Église, et c’est grâce à ces sentiments justes et respectables, que, depuis quelque cinquante ans, à la fin de chaque vendange, sans égard aux saisons, à la moisson, sans changer leurs habitudes suivant les vicissitudes des temps, ils ont payé à notre communauté…

— Offert, mon père.