Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/101

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leurs railleries semblaient vouloir montrer une triste scène des passions humaines, ou plutôt une violente colère avait donné à deux hommes une nouvelle énergie. Le marin recueillit ces paroles :

— Lâche-moi, maudit Baptiste !

— Misérable ! c’est toi qui m’étouffes !

— As-tu donc perdu tout souvenir de Dieu ?

— Pourquoi me serres-tu ainsi, infernal Nicklaus ?

— Tu mourras damné !

— Tu m’étrangles, — vilain, pardon ! pardon !

Il n’en entendit pas davantage. Les éléments s’accordèrent pour anéantir cette horrible lutte. Une ou deux fois le chien aboya mais la tempête revint avec toute sa puissance, comme si cette courte pause avait été simplement accordée aux passagers pour leur laisser le temps de respirer. Les vents prirent une direction nouvelle, et la barque, toujours soutenue par ses ancres, changea de place et se tourna vers les montagnes de la Savoie. Pendant la première bouffée, Maso lui-même se coucha sur le pont, car des millions de particules humides furent soulevées du lac, et parsemées dans l’atmosphère avec une violence capable de couper la respiration. Le danger d’être balayé par les vagues n’était pas moins imminent. Lorsque le calme fut un peu rétabli, Maso essaya par toutes ses facultés de recueillir un son étranger au roulis des vagues et au craquement des longues vergues pendantes. Le marin ressentit alors une profonde inquiétude pour son chien. Il l’appela longtemps, mais en vain. Le changement de position et le mouvement constant de la barque les avaient éloignés au-delà de la portée de la voix humaine. Maso passa plus de temps à crier : Neptune ! brave Neptune ! qu’il n’en avait employé pendant tous les événements que nous avons été obligés de décrire avec tant de détails, et toujours sans le moindre succès. L’esprit de Maso était élevé bien au-dessus de ceux avec lesquels les habitudes de sa vie le mettaient souvent en contact ; mais, ainsi que l’or pur se ternit en étant exposé à un mauvais air, il n’avait pas entièrement échappé aux faiblesses des Italiens de sa classe. Lorsqu’il s’aperçut que ses cris ne pouvaient lui rendre son fidèle compagnon, il se jeta sur le pont dans un paroxysme de colère, s’arrachant les cheveux et pleurant amèrement.

— Neptune, mon fidèle Neptune ! s’écria-t-il, que me font tous