Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/102

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les hommes sans toi ? Toi seul tu m’aimais ; toi seul avais passé près de moi de bons et de mauvais jours, sans changer de maître, sans en désirer un autre ! Quand de prétendus amis se sont montrés traîtres, tu es resté fidèle. Lorsque les autres m’encensaient, tu n’étais jamais un flatteur !

Frappé de cette singulière scène de chagrin, le bon moine, qui, comme les autres, avait jusqu’alors veillé à sa sûreté, ou employé son temps à soutenir de plus faibles que lui, saisit le moment où la tempête s’apaisait, pour offrir quelques consolations à Maso.

— Tu nous as sauvé la vie, brave marin, lui dit-il, et il y a des personnes dans la barque qui sauront reconnaître ton courage et ton adresse. Oublie le noble animal que tu as malheureusement perdu, et joins-toi à nous pour remercier la Vierge et les Saints de nous avoir protégés dans ce danger horrible.

— Mon père, il partageait mon pain, ma couche ; il combattait avec moi, nageait avec moi ; il était ma joie, mon bonheur, et je devrais maintenant me noyer avec lui. Que sont pour moi tes nobles et leur or, sans mon chien ? Ce pauvre animal sera mort de désespoir, son cœur se sera brisé en cherchant en vain, au milieu des ténèbres, cette barque qui portait son maître.

— Des chrétiens ont été appelés en la présence de Dieu sans y avoir préparé leur âme, et nous devrions prier pour eux plutôt que de réserver nos larmes pour celui qui, bien que fidèle pendant sa vie, n’a plus rien à craindre ou à espérer après sa mort.

Toutes ces paroles étaient perdues pour Maso, qui se signait par habitude en entendant prononcer le nom de la Vierge, mais qui n’en pensait pas moins à la perte de son chien. Son affection ressemblait à celle de David pour Jonathas, c’était un amour plus tendre que celui d’une femme. S’apercevant que ses conseils étaient inutiles, le bon Augustin quitta Maso, et s’agenouilla pour offrir à Dieu sa reconnaissance, et ses prières pour les morts.

— Neptune ! povera, carissima bestia ! continuait Maso. Où nages-tu maintenant dans cette infernale querelle entre le ciel et la terre ? pourquoi ne suis-je pas avec toi, excellent chien ! Aucun mortel ne partagera jamais l’amour que j’avais pour toi, povero Nettuno ! jamais un autre n’entrera dans mon cœur !

Si la douleur de Maso fut subite, elle fut brève aussi dans sa durée ; sous ce point de vue, on aurait pu la comparer à l’ouragan qui venait d’avoir lieu. Dans les deux cas, une excessive violence porta en elle son propre remède, car les bouffées irrégulières qui