Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/172

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pour les magasins de sa communauté ; car le couvent du Saint-Bernard espérait avec raison dans la libéralité des âmes charitables, pour alimenter à son tour son inépuisable charité. — Tu ne veux pas nous priver du bonheur de prier pour ceux que nous aimons, quoique ce soit d’une manière différente de la leur ?

— Comme tu voudras, bon moine ; je ne suis point de ceux qui dédaignent une faveur parce qu’elle vient de Rome. Mais qu’est devenu notre ami Uberto ? Nous aimons toujours à voir sa fourrure lustrée dans nos vallons.

Le moine fit son appel ordinaire, et le chien monta sur le théâtre d’un pas grave et délibéré, comme s’il était convaincu de la dignité et de l’utilité de son existence, et accoutumé aux caresses de l’homme. L’apparition de cet animal célèbre, bien connu, causa un nouveau mouvement parmi la populace ; beaucoup d’individus se pressèrent contre les gardes pour le voir de plus près ; d’autres lui jetèrent des fragments de pain et de viande comme gage de leur gratitude. Au milieu de ce petit préambule sentimental à d’autres plaisirs, un énorme chien noir sauta sur l’échafaudage, et avec un grand calme, quoique avec une activité qui dénotait l’influence de l’air des montagnes sur son appétit, il avala tous les différents morceaux qui avaient échappé à l’œil d’Uberto. Ce nouvel arrivant fut reçu comme l’est, par le parterre et les galeries, un acteur impopulaire, lorsqu’il manque de talent, ou qu’il a oublié ou refusé de satisfaire les caprices du public. Pour parler en termes plus vrais, il fut incontinent assailli de tout ce qui se présenta entre les mains de la foule. Cet animal, dans lequel le lecteur ne tardera pas à reconnaître le chien de Terre-Neuve de Il Maledetto, reçut ces salutations nouvelles avec beaucoup de surprise et même une certaine gaucherie ; car, dans sa sphère, Neptune avait été habitué à autant de démonstrations d’amitié de la part de ceux qu’il servait si fidèlement, que tous les chiens renommés et bien nourris du couvent. Après avoir reçu une grêle de cailloux et autres projectiles, tout en mangeant avec un sang-froid qui faisait également honneur à sa dextérité et à la vigueur de ses muscles, une pierre d’un poids formidable atteignit dans le côté l’infortuné compagnon de Maso, et le fit dégringoler du théâtre. Une seconde s’était à peine écoulée, que son maître tenait le coupable à la gorge, et le serrait de façon à le faire devenir noir.

Cette malheureuse pierre avait été lancée par Conrad. Oubliant