Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/173

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son caractère supposé, il avait pris part aux cris et aux attaques dirigés contre un chien dont il aurait dû connaître les services. On a déjà vu qu’il y avait peu d’affection entre Maso et le pèlerin ; car le premier paraissait avoir un mépris prononcé pour la profession du second, et ce petit incident n’était pas de nature à rétablir la paix entre eux.

— Toi aussi ! s’écria l’Italien qui sentit le sang lui monter au visage dès la première attaque dirigée contre son fidèle compagnon, et qui frémit de colère lorsqu’il reconnut la main du dernier assaillant. N’es-tu pas satisfait de feindre de la piété et des vertus parmi les crédules, et veux-tu feindre encore l’inimitié pour mon chien, parce que c’est l’habitude de louer les chiens de Saint-Bernard aux dépens de tout autre animal ? Reptile ! ne crains-tu pas le bras d’un honnête homme, lorsqu’il est levé sur toi dans une juste colère ?

— Amis, Veveisans, honorables citoyens ! s’écria le pèlerin, aussitôt que la main de Maso lui permit de respirer ; je suis Conrad, un pauvre pèlerin repentant : le laisserez-vous assassiner pour un chien ?

Un pareil combat ne pouvait pas continuer longtemps dans un semblable lieu. D’abord l’affluence des curieux et la presse de la foule favorisèrent l’attaque du marin ; mais elles lui furent ensuite contraires en l’empêchant d’échapper à ceux qui étaient spécialement chargés de maintenir la paix publique. La fureur aveuglait Maso sur les conséquences que pourrait avoir cette lutte ; et, heureusement pour Conrad, les hallebardiers avancèrent jusqu’au centre de la foule, et parvinrent à l’arracher à la rage de son assaillant. Il Maledetto trembla à la réflexion de ce qu’il allait faire au moment où il lâcha prise, et il eût disparu aussitôt que possible, si ceux entre les mains desquels il était tombé, avaient voulu lui permettre cet acte de prudence. Alors commença une guerre de paroles comme celle qui précède et qui suit toute contestation populaire. Quand l’officier chargé de la police de cette partie de la place interrogea, vingt voix s’élevèrent pour lui répondre, non seulement se surpassant les unes les autres, mais contredisant tout ce qui était dit en forme d’explication. L’un maintenait que Conrad, non content d’avoir renversé le chien, avait attaqué indignement son maître : c’était l’aubergiste chez lequel Maso avait pris son logement, où il avait fait une dépense assez libérale pour pouvoir espérer de son hôte une charitable