Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/255

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mélange d’aridité et de grandeur, de fertilité et de sauvages horreurs, qui rendent ces régions si renommées. Quoique l’imagination d’Adelheid, préparée par des récits de voyageurs, eût été même au-delà de la vérité, elle frissonna involontairement quand les portes de Saint-Maurice, retombant sur leurs gonds, semblèrent les enfermer dans cette contrée désolée, et cependant romantique. Mais en s’avançant sur les bords du Rhône, elle et ceux de ses compagnons pour qui la scène était nouvelle, étaient surpris à chaque instant des contrastes imprévus qui les faisaient passer de l’admiration à la crainte, qui arrêtaient sur leurs lèvres une exclamation de plaisir, pour faire place au froid désappointement ; rien n’adoucissait l’âpreté des montagnes, dépouillées de tout pâturage, mais la plupart des vallées étaient riches et fertiles. Une vaste étendue de terrain était ravagée par les eaux car l’un de ces réservoirs qui se forment par les glaciers au sommet des rochers, s’était rompu, et, se précipitant comme un torrent, avait effacé sur son passage toute trace de culture, et couvert des plaines immenses de débris, triste image du chaos !

La nudité la plus affreuse et la fertilité la plus riante se trouvaient en contact. Des pièces de gazon favorisées accidentellement par quelque heureuse combinaison, apparaissaient parfois comme l’oasis du désert dans le centre même d’une stérilité qui mettrait pendant des siècles l’art du laboureur en défaut ; et pour dernier trait à cette peinture terrifiante, un crétin était assis là, avec ses attributs semi-humains, sa langue épaisse, ses facultés émoussées, et ses goûts dégradés. En sortant du cercle de cette nature anéantie, la scène redevenait aussi attrayante que l’imagination pouvait la désirer, l’œil la chercher ; des cascades tombaient de rochers en rochers en réfléchissant les rayons du soleil ; le vallon était vert et frais, les contours même des montagnes devenaient agréables et variés ; on apercevait des figures riantes et heureuses, plus fraîches, plus régulières peut-être dans une autre partie de la Suisse. Enfin, le Valais était alors comme à présent une contrée qui réunit les extrêmes les plus opposés, mais qui penche peut-être vers une disposition répulsive et inhospitalière. Malgré la terrible distance qu’avaient parcourue les voyageurs, il était nuit quand ils arrivèrent à Martigny, où des dispositions avaient été faites avec soin, pour les recevoir pendant les heures du repos. On avait tout préparé pour qu’ils