Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/293

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les sentiers, à ne jamais s’en écarter que lorsqu’ils étaient appelés à remplir la plus difficile partie de leur emploi, à découvrir ceux que les avalanches avaient engloutis, et aider à retirer leurs corps. Uberto remplissait depuis si longtemps ces différents devoirs, qu’il était reconnu qu’il n’existait pas sur la montagne un animal plus intelligent et plus fidèle. Pierre le suivait avec d’autant plus de confiance qu’il connaissait parfaitement toutes ses allures. Ainsi, quand il le vit couper à angles droits la route qu’il avait tenue jusqu’alors, il imita d’abord son exemple puis, écartant la neige pour être plus sûr du fait, il annonça avec un transport de joie que le sentier perdu était retrouvé. Ces paroles résonnèrent aux oreilles des voyageurs comme un sursis à celles d’un condamné. Les habitants du pays savaient cependant qu’il restait encore plus d’une heure de marche pénible avant d’atteindre l’hospice, dont l’approche surtout était difficile. Les êtres les plus faibles, qui succombaient aux besoins de ce sommeil, terrible précurseur de celui qui n’a pas de réveil, sentirent leur sang circuler avec plus de rapidité dans leurs veines, à l’exclamation que laissèrent échapper tous les hommes en apprenant l’heureuse nouvelle.

Ils avancèrent alors plus vite, malgré les embarras et les difficultés que faisaient naître sous leurs pas la tempête qui n’avait pas cessé une seule minute, et l’âpreté d’un froid si aigu que les plus robustes de la bande y résistaient avec peine. Sigismond gémissait intérieurement en pensant qu’Adelheid et sa sœur étaient exposées à une souffrance qui ébranlait les constitutions les plus fortes et les cœurs les plus fermes. Un de ses bras entourait la taille de Christine ; il la portait plutôt qu’il ne la soutenait, connaissant assez les localités de la montagne pour savoir qu’ils étaient encore à une distance effrayante du Col, et que la faiblesse de sa sœur ne lui permettrait pas d’y arriver sans ce secours.

De temps en temps Pierre parlait aux chiens, Neptune ne quittant pas le côté d’Uberto de peur de s’en séparer, le sentier ne pouvant plus être distingué qu’avec la plus grande attention, au milieu des ténèbres qui réduisaient la vue à ses limites les plus bornées. Chaque fois que le nom du dernier était prononcé, il s’arrêtait, remuait la queue, ou donnait d’autres marques d’affection, comme s’il eût cherché à rassurer ceux qui le suivaient sur son intelligence et sa fidélité. Après une de ces courtes haltes, le vieil Uberto et son camarade refusèrent, à l’étonnement géné-