Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/305

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— Vous avez éprouvé du ressentiment contre ce malheureux homme ?

— Je t’avoue : un frère pouvait-il penser autrement ?

— Mais maintenant que Dieu l’a si sévèrement puni ?

— Sur mon âme, je lui ai pardonné. — Si nous nous étions rencontrés en Italie, où je sais qu’il devait aller, — mais c’est de la folie.

— Pis que cela, Sigismond.

— Du fond de mon âme je lui pardonne : je ne l’ai jamais trouvé digne de celle dont les pures affections avaient été séduites par les premiers signes de son prétendu intérêt, mais je ne lui souhaitais pas une fin si prompte et si cruelle. Que Dieu lui pardonne comme je lui ai pardonné !

Adelheid reçut en silence la pression de main qui suivit cette pieuse satisfaction ; puis ils se séparèrent, lui pour se joindre au groupe qui entourait le cadavre, elle pour retourner près de Christine. Le signer Grimaldi vint à la rencontre de Sigismond pour le prier de retourner immédiatement au couvent avec Adelheid et sa sœur, promettant qu’il serait suivi du reste des voyageurs aussitôt que leur triste devoir serait rempli. Comme Sigismond n’avait nulle envie de prendre part à ce qui se passait, et qu’il avait raison de penser que sa sœur s’éloignerait avec empressement de ce lieu, il se disposa promptement à suivre ce conseil. On prit aussitôt des mesures pour l’accomplir.

Christine monta sur sa mule, sans faire aucune remontrance, pour obéir aux désirs de son frère. Mais son visage, couvert d’une pâleur mortelle, ses yeux fixes, trahissaient la violence du choc qu’elle avait reçu. Pendant tout le trajet elle ne parla pas ; et comme ceux qui l’accompagnaient comprenaient et partageaient son chagrin, la petite cavalcade n’aurait pas été plus triste et plus silencieuse si elle eût emmené avec elle le cadavre de l’homme assassiné.

Tandis qu’une partie de la société s’éloignait, une nouvelle scène venait d’avoir lieu entre les deux maisons de la vie et de la mort. Comme il n’existait pas d’autres habitations à plusieurs lieues du couvent des deux côtés de la montagne, et comme les sentiers étaient très-fréquentes pendant l’été, les moines exerçaient une espèce de juridiction dans les cas qui exigeaient une prompte justice, ou un respect nécessaire pour ces formes qui plus tard pouvaient devenir importantes devant des autorités