Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/69

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Les bords capricieux des rocs se détachant en relief sur un ciel azuré, ressemblaient, autant que l’imagination pouvait le désirer, à des découpures d’ébène. De toutes les merveilles imposantes de ce pays extraordinaire, il n’y a peut-être rien de plus noble, de plus beau, de plus enchanteur, que ces arabesques naturelles de la Savoie contemplées à la lueur du crépuscule.

Le baron de Willading et ses amis étaient debout, découverts, saisis de respect devant ce tableau sublime, qui ne pouvait avoir été formé que par les mains du Créateur, et jouissant en même temps de la tranquillité ineffable de cette heure solennelle.

Des acclamations de plaisir leur échappaient tandis que ce tableau se déroulait sous leurs yeux, car la scène changeait à mesure que le crépuscule avançait, et ils se montraient les uns aux autres ce qu’ils trouvaient de remarquable. Cette vue était en effet de nature à exclure tout sentiment concentré, et l’on sentait le besoin de faire partager ses émotions. Vévey, le voyage, sa lenteur, tout était oublié devant ces prodiges ; et le silence n’était interrompu que pour exprimer les jouissances longtemps renfermées dans chaque cœur.

— Je salue la Suisse, ami Melchior ! s’écria le signor Grimaldi après avoir dirigé l’attention d’Adelheid sur un des pics de la Savoie, remarquant que ce serait là le lieu où un ange aimerait à descendre dans ses visites à la terre. Si vous avez beaucoup de ces vues-là en Suisse, nous autres Italiens nous sommes obligés de les admirer ; sans quoi, par l’ombre de nos pères ! nous perdrions notre réputation d’amateurs de beautés naturelles. Dites-moi, jeune dame, les couchers du soleil ressemblent-ils à ceux-ci à Willading ? ou bien cette magnificence n’est-elle, après tout, qu’une exception à ce qu’on voit généralement ? Êtes-vous surprise de ce que vous voyez, comme nous sommes forcés d’avouer, Marcelli et moi, que nous le sommes nous-mêmes, par saint Francois !

Adelheid sourit de la bonne humeur du vieux seigneur italien ; et, malgré son amour pour son pays natal, elle ne put déguiser la vérité au point d’assurer que ces scènes étaient ordinaires en Suisse.

— Si nous n’avons pas toujours d’aussi belles vues, dit-elle nous avons nos glaciers, nos lacs, nos chaumières, nos chalets, notre Oberland, et des vallons avec une lumière qui n’appartient qu’à eux.