Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/70

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— Oh ! ma jolie Helvétienne, je suis bien sûr que vous affirmeriez qu’une goutte de votre eau de neige vaut mille sources limpides, ou vous ne seriez pas la fille du vieux Melchior de Willading. Mais tout cela est perdu pour un homme plus froid, qui a vu d’autres pays. Père Xavier, vous êtes neutre, car votre demeure est sur les limites des deux pays et j’en appelle à vous pour savoir si les Helvétiens ont beaucoup de ces soirées ?

Le digne moine, reçut cette question avec la même humeur qu’elle était faite ; car l’élasticité de l’air, la tranquillité des cieux, et le charme de la soirée, le disposaient à la joie.

— Pour maintenir mon caractère de juge impartial, dit-il, je répondrai que chaque pays a ses avantages particuliers ; si la Suisse est plus merveilleuse et plus imposante, l’Italie est plus séduisante. Cette dernière laisse des impressions plus durables et plus chéries. L’une frappe les sens, mais l’autre pénètre peu à peu jusqu’au cœur et celui qui trouve des exclamations pour exprimer son admiration à la vue de la Suisse, manque de mots pour dire tous les secrets plaisirs, les tendres souvenirs et les profonds regrets que lui inspira l’Italie.

— Bien raisonné, l’ami Melchior, et en juge habile, qui donne à chacun sa part de consolations et de vanité. Herr Müller, approuvez-vous une décision qui vous donne une aussi formidable rivale que l’Italie ?

— Signore, répondit le voyageur réservé, je vois beaucoup d’objets d’amour et d’admiration dans les deux contrées, ce qui est toujours ainsi dans ce que Dieu a formé. Ce monde est beau pour les heureux ; et la plupart des hommes le seraient, s’ils avaient le courage d’être vertueux.

— Le bon moine augustin vous dira que certains points de théologie traitent notre nature avec une grande liberté ; car ceux qui veulent conserver leur innocence ont terriblement à combattre leurs inclinations.

L’étranger devint pensif, et Sigismond, dont l’œil avait été fixé sur son visage, pensa qu’il montrait plus de tranquillité que de coutume.

— Signore, reprit le Herr Müller après avoir réfléchi, je crois qu’il nous est bon de connaître le malheur. Celui qui fait un trop libre usage de sa volonté devient opiniâtre, et aussi difficile à conduire qu’un bœuf trop repu ; au lieu que celui qui est repoussé par les hommes s’examine plus sévèrement lui-même