Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/79

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présages sinistres qui se manifestaient et, depuis longtemps habitué à étudier les changements de temps dans une région où les éléments se déchaînent avec une violence en rapport avec la grandeur des montagnes, ses pensées étaient portées vers ces asiles hospitaliers de la ville où il se rendait, et qui étaient toujours prêts à recevoir le moine du mont Saint-Bernard, en retour des services et du dévouement de sa confrérie.

— Je pense comme Maso, et je désirerais que nous fussions débarqués, répondit le bon religieux ; la chaleur excessive qu’un jour comme celui-ci crée dans nos vallées et sur les lacs affaiblit à un tel point les substances de l’air, que les froides masses qui se forment autour de nos glaciers descendent quelquefois de leurs hauteurs comme des avalanches pour remplir le vide. Le choc est effrayant, même pour ceux qui en sont témoins dans les vallées ou parmi les rochers ; mais la chute d’une telle colonne d’air sur les lacs est ordinairement terrible.

— Et pensez-vous que nous devions craindre maintenant un de ces phénomènes ?

— Je n’en sais rien, mais je voudrais que nous fussions arrivés. Cette lumière surnaturelle au-dessus de nous, et cette profonde tranquillité sur les eaux qui surpasse un calme ordinaire, m’ont porté déjà plus d’une fois à implorer la miséricorde de Dieu.

— Le révérend augustin parle comme son livre, et comme un homme qui a passé sa vie dans un couvent situé sur une montagne, dans l’étude et la méditation, répondit Maso ; les raisons que j’ai à donner participent plus de l’expérience d’un marin. Un calme comme celui-ci sera suivi tôt ou tard, je le crains, d’une commotion dans l’atmosphère. Je n’aime pas cette absence de brise de terre sur laquelle Baptiste avait trop compté ; ce symptôme, réuni à ce nuage brûlant qui est là-bas, me fait présumer que cette tranquillité extraordinaire sera bientôt remplacée par un violent combat entre les vents. Mon fidèle Neptune m’indique aussi, par la manière dont il aspire l’air, que nous ne passerons pas la nuit dans cet état d’immobilité.

— J’espérais que nous serions arrivés avant la huit. Que veut dire cette lumière brillante qui est là-bas ? Est-ce une étoile ou une lueur qui se montre contre cette énorme montagne ?

— C’est la demeure du vieux Roger de Blonay ! s’écria le baron avec joie. Il sait que nous sommes dans les ténèbres, et il a fait