Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/78

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deviennent quelquefois trop chauds pour les marins les plus courageux. Regarde cette étoile, jeune homme, tant que tu le pourras, et abandonne-toi au souvenir de celle que tu aimes et de ses perfections : nous sommes sur un élément perfide, et des pensées agréables ne doivent point être dédaignées.

Maso continua sa promenade, laissant l’étudiant alarmé, inquiet sans trop savoir pourquoi, et cependant poussé par un sentiment qu’on pourrait appeler de l’enfantillage, à contempler cette faible lueur qui se montrait de temps en temps au milieu de masses de vapeurs. Dans ce moment un cri de joie s’éleva du gaillard d’avant.

Il Maledetto ne continua pas plus longtemps sa promenade et, abandonnant sa place à l’étudiant, il descendit au milieu de la société silencieuse et pensive qui occupait un espace débarrassé de marchandises près de la poupe. Il faisait si sombre qu’un peu d’attention était nécessaire pour reconnaître les visages même à une faible distance. Mais, en s’avançant parmi les personnes privilégiées avec un grand sang-froid et une indifférence apparente, il réussit promptement à se placer entre le seigneur génois et le moine augustin.

— Signore, dit-il au premier en italien avec le même respect qu’il avait déjà marqué, quoique évidemment il ne fût pas facile de lui inspirer cette déférence que les gens obscurs ressentent ordinairement pour les grands, je crains qu’un voyage commencé sous d’aussi belles apparences n’ait une fin malheureuse, et je voudrais voir cette noble et belle compagnie débarquée heureusement dans la ville de Vévey.

— Veux-tu dire que nous avons à craindre autre chose que la lenteur du voyage ?

— Signore, la vie du marin est remplie de chances diverses ; tantôt il vogue avec un calme indolent, puis il est jeté depuis les eaux jusqu’aux nuages, de manière à faire frémir les cœurs les plus fermes. Je ne connais pas beaucoup ces parages, mais il y a dans les cieux, au-dessus de ce pic, dans la direction du Mont-Blanc, des lignes qui me troubleraient si nous étions sur notre Méditerranée si bleue, et cependant si perfide. — Que pensez-vous de tout cela, mon père ? un long séjour dans les Alpes doit vous avoir donné de l’expérience sur leurs tempêtes ?

L’augustin était devenu grave et pensif depuis le moment où il avait cessé de converser avec Balthazar. Il était aussi frappé des