CHAPITRE IX.
e puis dire que ma tête reposa plus d’une heure sur l’oreiller,
avant que le sommeil vînt fermer mes paupières. Pendant ce
temps j’eus tout le loisir d’éprouver avec quelle activité travaille
une imagination préoccupée. La mienne était animée d’une ardeur
fébrile qui ne lui laissait point de repos. Elle parcourait un vaste
espace, se représentant tour à tour Anna, sa beauté, son aimable
franchise, avec toute la douceur, mais aussi avec toute la cruauté
de son sexe ; le capitaine Poke et ses opinions originales ; cette
famille si intéressante de quadrupèdes, et leur sensibilité blessée ;
ainsi que l’excellence du système entendu pendant les vingt-quatre
heures qui venaient de s’écouler. Quand le sommeil survint
enfin, il me prit au moment où je jurais au fond du cœur
d’oublier une beauté insensible, et de consacrer le reste de ma
vie à la propagation du principe de la philanthropie universelle,
faisant une guerre à mort à l’intérêt privé et à l’égoïsme, de concert
avec M. Poke, qui avait visité une grande partie du globe et
des peuples qui l’habitent, sans abaisser ses sympathies sur aucun
lieu ou sur aucun personnage, à l’exception toutefois de Stonington
et de lui-même.
Il était grand jour quand je me réveillai le lendemain matin. Le repos avait calmé mes esprits ; mon irritation nerveuse était apaisée par la fraîcheur balsamique de l’atmosphère. Il paraît que mon domestique était entré pour donner de l’air à mon appartement, et s’était retiré, suivant son usage, en attendant que ma sonnette le rappelât. Je m’abandonnai pendant quelques instants à un repos délicieux, en sentant se ranimer en moi la vie morale