Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/142

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— Permettez-moi une réflexion, docteur Reasono. La distinction que vos philosophes établissent à cet égard me semble en contradiction manifeste avec le grand principe de droit, qui veut qu’on rejette le témoignage tout entier quand on croit devoir en rejeter une partie.

— Cette distinction peut être humaine, mais elle n’est pas monikine. Loin d’admettre ce principe, nous soutenons qu’aucun Monikin n’a ni n’aura toujours raison, aussi longtemps du moins qu’il restera sous l’influence de la matière. Nous séparons donc le faux du vrai, rejetant le premier comme plus qu’inutile, tout en gardant le second.

— Je vous renouvelle toutes mes excuses de vous interrompre si souvent, vénérable et docte Monsieur ; et je vous prie de ne pas perdre un instant de plus à répondre à mes questions, mais de passer tout de suite à l’explication de votre système planétaire, ou de tout autre sujet qu’il vous plaira de traiter. Quand on écoute un vrai philosophe, on est toujours sûr, quoi qu’il dise, d’apprendre quelque chose d’utile et d’agréable.

— La philosophie monikine, Monsieur, dit le docteur Reasono, divise ce monde en deux grandes parties, la terre et l’eau. Ces deux principes, nous les appelons éléments primitifs. La philosophie humaine a ajouté à la liste l’air et le feu ; mais nous les rejetons entièrement, ou du moins nous ne les admettons que comme éléments secondaires. Que ni l’air ni le feu ne sont des éléments primitifs, c’est ce que démontre l’expérience. Ainsi l’air peut se former avec du gaz ; on peut le rendre pur ou malfaisant ; il est sous la dépendance de l’évaporation, n’étant que de la matière ordinaire lorsqu’il est considérablement raréfié. Le feu n’a pas d’existence indépendante ; il lui faut du limon, et il n’existe que par la combinaison d’autres principes. Ainsi mettez deux morceaux de bois l’un contre l’autre, frottez les rapidement, et vous avez du feu. Retirez l’air tout à coup, et votre feu s’éteint ; retirez le bois, et vous avez le même résultat. Ces deux expériences démontrent que le feu n’a pas d’existence indépendante, et par conséquent n’est pas un élément. Au contraire, prenez un morceau de bois, et laissez-le complètement saturer d’eaux le bois acquiert une nouvelle propriété (de même que par l’action du feu qui le convertit en cendres et en air) ; car sa pesanteur spécifique est augmentée, il devient moins inflammable, il émet plus aisément