Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/169

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première jeunesse à Stonington ; car elle semblait tout à fait invétérée.

— Nous verrons bientôt, sir John, dit-il en rajustant sa peau de lion de mer, quel genre de plongeon nous allons faire.

— De grâce, expliquez-vous, monsieur Poke, m’écriai-je un peu alarmé. Si nous sommes menacés de quelque danger sérieux, vous êtes tenu de nous en avertir à temps.

— La mort ne vient jamais à temps pour quelques créatures, sir John.

— Est-ce à dire que votre intention est de faire échouer le bâtiment ?

— Non, s’il est possible de l’éviter, sir John ; mais s’il est écrit que vous ferez naufrage, carguez, brassez tant que vous voudrez ; vous n’en chavirerez pas moins. — Attention à l’avant, Dick-le-Lion ! — Ah ! nous y voilà !

Nous n’y étions que trop en effet. Je ne puis comparer la scène qui s’offrit alors à mes yeux qu’au spectacle que présente tout à coup la chaîne des Alpes de l’Oberland lorsque le spectateur est placé inopinément sur le bord du précipice du Weisseinstein. Il voit alors devant lui une ceinture sans bornes de glace étincelante, se brisant en milles formes fantastiques, tantôt mur, tantôt sommet ; tantôt vallée. Nous avions, nous, tout ce qu’il y a de plus sublime dans une pareille vue, et de plus l’action incessante de l’Océan furieux, qui allait battre de toute la violence de ses vagues agitées cette barrière infranchissable.

— Grand Dieu ! capitaine Poke, m’écriai-je dès que j’eus aperçu le danger terrible qui nous menaçait, vous n’avez sûrement pas l’intention de continuer à courir ainsi en avant ?

— Que voulez-vous, sir John ? Leaphigh est situé de l’autre côté de ces îles de glace.

— Mais il n’est pas nécessaire de lancer notre bâtiment contre elles. Pourquoi ne pas les tourner ?

— Parce qu’elles tournent autour de la terre dans cette latitude. Maintenant il est temps de s’expliquer. Si nous voulons gagner Leaphigh, nous avons le choix entre trois partis assez gracieux : passer à travers cette glace, passer dessous, ou passer par-dessus. Si nous voulons virer de bord, il n’y a pas un moment à perdre, et je ne sais pas même si nous en viendrons à bout avec cette mer houleuse et ce diable de vent du nord.