Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/176

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mités en étaient fortement rattachées aux défenses, dans l’intervalle desquelles elles étaient rangées, au moyen de tenons et de mortaises. Le résultat final de cet arrangement était de donner au vaisseau une protection extérieure contre le choc des glaces, au moyen, d’une sorte de réseau en charpente qui avait été si bien approprié à sa destination, qu’il se maintenait dans un parfait équilibre. Ces préparatifs ne furent entièrement terminés que le matin suivant à dix heures ; alors Noé se dirigea en droite ligne vers une ouverture que la glace présentait devant nous, et que l’on commençait précisément à découvrir.

— Nous n’irons plus si vite à cause de notre armure, observa avec prudence le vieux marin, mais du moins nous serons fermes sur nos arçons.

Pendant toute cette journée, nous nous dirigeâmes obliquement vers le sud, à grand-peine et avec de fréquents intervalles ; et la nuit, nous amarrâmes le Walrus à une montagne flottante, en attendant le retour du jour. Toutefois, aux premiers rayons de l’aurore, j’entendis un frôlement terrible sur les flancs du vaisseau, et, courant sur le tillac, je reconnus que nous étions complètement, enfermés entre deux champs immenses, qui semblaient attirés l’un vers l’autre sans autre but apparent que celui de nous écraser. Ce fut alors que l’on put apprécier le mérite de l’expédient du capitaine Poke. Protégée par les pièces de bois massives et par les fausses côtes, la cale du vaisseau résista à la pression ; et comme en pareille circonstance il faut toujours que quelque chose cède, il n’y eut heureusement de vaincue cette fois que la force de gravitation. Les défenses, au moyen de leur inclinaison, firent l’effet des coins, les chaînes se serrant contre la quille ; et dans l’espace d’une heure, le Walrus fut peu à peu soulevé hors de l’eau, conservant sa position élevée, à raison même de l’énergie de la pression des glaces. À peine l’expérience eut-elle été faite aussi heureusement, que M. Poke se jeta sur la glace et se mit à examiner le dessous du vaisseau.

— Voici un beau chantier pour vous, sir John, dit le vieux marin en ricanant. Je demanderai une patente, dès que je serai retourné à Stonington.

Je fus rendu à la sécurité, que j’avais perdue depuis que nous étions entrés dans les glaces, par la physionomie de Noé, et par le plaisir qu’il se promettait, suivant son expression, de pouvoir