Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/180

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peut entraîner les montagnes de glaces au-delà du 78e degré de latitude sud, puisqu’elles touchent nécessairement le fond dès qu’elles atteignent extrémité extérieure des hauteurs polaires. Les glaces flottantes, étant peu épaisses, se fondent naturellement, et, grâce à cette heureuse protection, le monde monikin est entièrement à l’abri d’un danger auquel un esprit vulgaire pourrait le croire le plus exposé.

Il a été tenu, il y a environ cinq siècles, un congrès des nations, qui a été nommé Sainte-Alliance Philo-Marine de sûreté et de direction pour les voyages. Dans ce congrès, les hautes parties contractantes sont convenues de nommer une commission pour prendre des mesures générales relativement à la sûreté de la navigation maritime. Un des expédients adoptés par cette commission, qui, soit dit en passant, était composée de Monikins fort distingués, consistait à jeter dans toute l’étendue du bassin, à des distances réglées, des blocs de pierre massive, qui servirent de fondements à une colonne formée des mêmes matériaux. Les inscriptions nécessaires furent gravées sur de belles tablettes, et quand nous approchâmes du milliaire dont j’ai déjà parlé, j’y remarquai une figure de Monikin sculptée aussi en pierre, la queue étendue horizontalement, dans la direction, à ce que M. Poke m’assura, du sud-ouest-demi-ouest. J’avais fait assez de progrès dans la langue monikine pour pouvoir lire cette inscription sur la borne maritime : « 15 milles d’ici à Leaphigh. » Cependant on nous apprit bientôt qu’un mille monikin valait neuf milles anglais ordinaires ; nous n’étions donc pas si près du port que nous l’avions supposé d’abord. Je n’en témoignai pas moins une vive satisfaction de voir notre voyage aussi avancé, et je félicitai bien sincèrement le docteur Reasono de la haute civilisation à laquelle son espèce était évidemment parvenue. Le jour n’était pas éloigné, ajoutai-je, où, ainsi qu’on pouvait raisonnablement l’espérer, nos mers à nous auraient des restaurants et des cafés flottants, avec des cabarets convenables pour les marins, quoique je ne visse pas comment nous pourrions trouver rien d’équivalent à leur excellente invention des pierres millénaires. Le docteur reçut mes compliments avec modestie, assurant qu’il ne doutait pas que l’espèce humaine ne fît tout ce qui dépendait d’elle pour avoir de bonnes auberges partout où l’on pourrait en établir ; mais que, quant aux milliaires maritimes, il y avait peu d’espoir qu’on pût en fonder