Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

timité formée entre un Anglais et un Yankee dans la maison du dernier, en buvant du meilleur vin qu’il soit possible de trouver dans le pays : intimité qu’on n’a jamais vue résister à l’influence d’un brouillard d’Angleterre. Je me souviens, ajouta-t-il, d’avoir pris une fois sous mon aile à Stonington un de vos compatriotes, sir John : c’était pendant la guerre ; il avait été fait prisonnier, et cependant il avait la liberté d’aller et de venir comme bon lui semblait, et on lui donnait tout le meilleur du pays, — de la mélasse dans laquelle une cuillère se serait tenue debout, — du cochon salé, dont l’odeur aurait fait descendre du haut du grand mât, du rhum de la Nouvelle-Angleterre, dans la compagnie duquel un roi se serait volontiers assis, mais qu’il n’aurait jamais pu se résoudre à quitter. — Eh bien ! quelle en fut la fin ? le drôle me mit dans son livre ; si j’avais mis sur le mien la moitié de ce qu’il avait avalé chez moi, je suis sûr que le montant aurait mis l’affaire hors de la juridiction de toutes les cours de justice de notre état ; il dit que ma mélasse était molle, le cochon dur et maigre, et le rhum infernal. Voilà de la vérité et de la reconnaissance ! Et il donna sa relation comme un échantillon de ce qu’il appelait sa manière de vivre en Amérique.

Je rappelai à Noé qu’un Anglais n’aime pas à recevoir des faveurs quand il s’y trouve forcé ; que lorsqu’il rencontre un étranger, et qu’il est le maître de ses actions, personne n’entend mieux que lui ce qu’est la véritable hospitalité, comme j’espérais le lui prouver un jour à House-Holder-Hall. Quant à sa première remarque, il devait songer qu’aux yeux d’un Anglais l’Amérique n’est autre chose que la campagne, et lorsqu’une connaissance avait commencé extrà muros, il était de mauvais ton de chercher à la continuer en ville.

Noé, comme beaucoup d’autres, était fort raisonnable sur tous les sujets qui ne choquaient ni ses préjugés ni ses opinions, et il convint de la justesse de ma réponse, en général.

— C’est à peu près comme vous le dites, sir John, répliqua-t-il. Vous avez presse d’hommes en Angleterre, mais on n’y voit pas presse d’hospitalité. Rencontrez un volontaire en ce genre, et il est aussi bon diable qu’on puisse le désirer ; j’aurais moins songé au livre de ce drôle, s’il n’avait rien dit contre le rhum. Sur ma foi, sir John, quand les Anglais bombardèrent Stonington avec des pièces de dix-huit, je proposai de charger, notre vieille