Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/194

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— Je suis surpris qu’aucun chancelier de l’échiquier n’ait jamais songé à cela dans mon pays.

— Voilà donc ce que c’est que vos Grandes-Braies, Chatterino !

Et un éclat de rire général me fit rougir de ma nation, comme cela ne m’était jamais arrivé.

— Comme ils ont des universités, dit un autre fat, Monsieur y a peut être étudié ?

— Sans doute ; et j’y ai pris tous mes degrés.

— Et qu’a-t-il donc fait de ses connaissances ? car, quoique j’aie la vue assez bonne, je ne puis apercevoir en lui aucun vestige de queue.

— Ah ! dit lord Chatterino, les habitants de son pays portent leur cervelle dans la tête.

— Dans la tête ! — dans la tête ! s’écrièrent-ils en chœur.

— Excellent, par la prérogative de Sa Majesté ! dit Hightail ; voilà une fameuse civilisation !

— Jamais je ne m’étais senti si humilié. Deux d’entre eux s’approchèrent de moi comme par curiosité ou par pitié, et l’un d’eux s’écria enfin que je portais un habit.

— Un habit ! — Quoi ! Chatterino, vos amis les hommes portent-ils des habits ?

Le jeune pair fut obligé d’avouer le fait, et il s’éleva parmi eux un brouhaha de cris, probablement semblables à ceux que poussèrent les paons quand ils découvrirent au milieu d’eux le geai qui avait pris leurs plumes. La nature humaine ne pouvait en endurer davantage. Je saluai la compagnie, et, prenant congé de Chatterino à la hâte, j’avançai vers une auberge.

— N’oubliez pas de passer à Chatterino-House avant votre départ, Goldencalf, s’écria celui-ci en me regardant par-dessus l’épaule avec un air d’amitié protectrice.

— Nom d’un roi ! s’écria le capitaine Poke, ce drôle nous a mangé des sacs de noix pendant le voyage, et maintenant il nous invite à passer chez lui avant notre départ !

Je cherchais calmer le vieux marin en en appelant à sa philosophie.

— Il est vrai, lui dis-je, que les hommes n’oubliaient jamais les services qu’ils avaient reçus et s’empressaient toujours d’en montrer leur reconnaissance ; mais les Monikins étaient une classe d’êtres extrêmement instruits ; ils pensaient l’esprit plus qu’à la matière, comme on le voyait en comparant la petitesse de leur