Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/203

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roi, surtout en ce qui concernait les séditions et le revenu public.

Cet essai ne fut pas moins bien reçu par les savants, et j’appris ensuite qu’il était rare que l’académie trouvât à redire à quelque chose. On nomma sur-le-champ un comité pour faire une enquête sur les faits relatifs aux fluides invisibles et inconnus ; sur leurs effets, leur importance, et l’influence qu’ils pouvaient avoir sur le bonheur des Monikins.

On nous régala ensuite d’une dissertation sur les différentes significations du mot gorstchwzyb, qui, traduit en anglais ou en français, signifie « eh ! » Le célèbre philologue qui traita ce sujet fit preuve d’une profonde érudition en en développant toutes les ramifications. D’abord il en transposa toutes les lettres de toutes les manières possibles, et il prouva ainsi, d’une manière triomphante, que ce mot était tiré de toutes les langues anciennes. Le même procédé démontra qu’il avait quatre mille deux significations différentes. Il entra alors pendant dix minutes dans une suite de raisonnements profonds, dans lesquels il ne fit usage que de ce seul mot employé dans ses différents sens. Enfin, il établit, d’une manière irréplicable, que ce mot était si utile, qu’il devenait superflu, et finit par proposer qu’il fût biffé sur le-champ et pour toujours du vocabulaire de Leaphigh. Cette proposition ayant été adoptée par acclamation, le cousin du roi se leva et déclara que, si quelqu’un à l’avenir péchait contre le bon goût au point de se servir de cette expression proscrite, il en serait puni par le retranchement de deux pouces de l’extrémité de sa queue. Un frémissement qui se fit entendre parmi les dames, qui, comme je le reconnus ensuite, aimaient à porter la queue aussi haut que nos femmes aiment à porter la tête, prouva suffisamment la sévérité de ce décret.

Un membre plein de l’expérience que donnent les années, et qui semblait très-respecté, se leva alors pour faire la proposition suivante : il dit qu’on savait que la race monikine approchait rapidement de la perfection ; que l’accroissement de l’esprit et le décroissement de la matière étaient un fait évident et irrécusable ; que, quant à lui, il sentait que ses moyens physiques diminuaient tous les jours, tandis que ses forces mentales acquéraient, dans la même proportion, une nouvelle vigueur ; qu’il ne pouvait plus voir sans lunettes, qu’il n’entendait qu’à l’aide d’un cornet