Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/24

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ne peut vous être caché plus longtemps, et votre femme a enfin consenti que je vous le révèle.

Le digne ministre fit une pause, car, en pareilles occasions, il est peut-être à propos que l’imagination porte d’avance une partie du coup qui va être frappé, et il paraît que celle de mon pauvre père travailla fortement en ce moment. Il devint pâle, il ouvrit les yeux au point qu’ils remplirent de nouveau les orbites dans lesquelles ils s’étaient enfoncés depuis une vingtaine d’années, et il eut l’air de vouloir faire une centaine de questions que sa langue refusait de prononcer.

— Il est impossible, docteur, dit-il enfin d’une voix un peu tremblante, qu’une femme comme Betsy ait appris quelque chose des événements ayant rapport à la grande expédition secrète qui a eu lieu récemment, et qui ont échappé à mes observations et à mon expérience.

— Je crois, mon cher monsieur, que mistress Goldencalf a appris quelque chose de la grande et dernière expédition que tous nous devons faire tôt ou tard, et qui paraît avoir échappé à votre vigilance. — Mais je vous parlerai de ce sujet dans une autre occasion. En ce moment, mon devoir pénible est devons informer que l’opinion du médecin est que votre excellente femme ne peut passer la journée, si même elle vit encore dans une heure.

Mon père parut frappé de cette nouvelle, et pendant plus d’une minute il resta immobile et en silence, les yeux encore fixés sur des papiers arrangés sur sa table, et qui contenaient des calculs importants sur ses opérations dans les fonds publics ; il dit enfin :

— Si cela est réellement ainsi, docteur, je crois que je ferai bien d’aller la voir ; car dans la situation où est cette pauvre femme, il peut se faire qu’elle ait quelque chose d’important à me dire.

— C’est dans cette vue que je suis venu vous apprendre la vérité, — répondit tranquillement le ministre qui savait qu’il n’y avait rien à gagner en attaquant la passion dominante d’un tel homme, en un pareil moment.

Mon père fit un signe de tête en forme de consentement, et après avoir enfermé avec soin tous ses papiers dans son secrétaire, il suivit le ministre dans la chambre de sa femme mourante.