Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus utile ; il nous a nourris tous pendant tout le voyage ; et sans nourriture, qu’aurions-nous pu faire ?

Le petit drôle fut récompensé de son impudence par des exclamations de plaisir qui partirent de toutes parts. — C’était une distinction si adroite ! elle montrait tant de réflexion ! — elle était si profonde ! — elle prouvait combien il avait d’égards pour la base de la société ! — Il était évident que la Grande-Bretagne serait un heureux pays, quand il serait arrivé au trône !

Pendant ce temps, le cuisinier fut appelé, et on lui dit de s’agenouiller devant le trône.

— Quel est votre nom ? lui demanda le chambellan, parlant alors en son propre nom.

— Jack Copper, Votre Honneur.

Le chambellan eut l’air de prendre les ordres du monarque : et, rentrant ensuite dans les fonctions de substitut du souverain, il tourna le dos au cuisinier, lui donna l’accolade avec sa queue, et lui dit : — Relevez-vous, sir Jack Copper.

J’étais surpris, confondu, indigné, en voyant un acte si palpable d’injustice grossière. Quelqu’un me tira à part, et je reconnus le brigadier Downright, qui me dit à demi-voix :

— Vous pensez que les honneurs sont descendus sur celui qui les méritait le moins. Vous croyez que ce qu’a dit votre prince a plus de finesse que de vérité, plus de malice que d’honnêteté. Il vous semble que la cour a jugé d’après de faux principes, et a suivi impulsion plutôt que la raison ; que le roi a consulté ses aises en affectant de rendre justice ; que les courtisans ont fait la cour à leur maître en affectant de rendre hommage au mérite ; et que rien dans cette vie n’est pur et sans mélange de fausseté, d’égoïsme et de vanité. Hélas ! c’est ce qui n’arrive que trop souvent chez nous autres Monikins, je dois en convenir. Mais sans doute, vous autres hommes, vous savez bien mieux arranger les choses.