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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/289

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— Non certainement, Monsieur. Nous agissons d’après des principes trop libéraux pour faire une objection fondée sur des idées si étroites. Je vois que vous ne connaissez guère les institutions et la politique de notre cher et heureux pays, Monsieur. Vous n’êtes pas ici à Leaphigh, ni à Leapup, ni à Leapdown, ni à Leapover, ni à Leapthrough, ni à Leapunder ; vous êtes à Leaplow, dans cet ancien pays, cordial, libéral, libre, indépendant, et jouissant d’une prospérité sans égale. L’espèce ne compte pour rien dans notre système, et nous accorderions le droit de naturalisation à un animal aussi bien qu’à un autre, pourvu que ce fût un animal républicain. — Je ne vois pas qu’il manque rien à aucun de vous. Tout ce que nous demandons, ce sont certains principes généraux. — Vous marchez sur deux jambes ?

— Comme les dindons.

— Fort bien ! — Mais vous n’avez pas de plumes.

— Les ânes n’en ont point.

— Parfaitement. — Mais on ne vous entend pas braire.

— C’est ce dont je ne réponds pas, dit le capitaine en envoyant sa jambe droite porter un compliment à Bob, de manière à lui faire pousser un cri qui donna presque un démenti au citoyen de Leaplow.

— Quoi qu’il en soit, Messieurs, reprit-il, il y a une épreuve qui décidera l’affaire en un instant.

Il nous pria alors de prononcer tour à tour le pronom notre en y joignant quelque substantif, — notre liberté, — notre patrie, — notre indépendance, — notre prospérité. Quiconque exprimait le désir d’être naturalisé, et pouvait prononcer ce mot d’une manière convenable et l’employer à propos, avait le droit de devenir citoyen de la république. Nous réussîmes tous admirablement, à l’exception du second enseigne, qui étant natif du comté d’Hereford, commença par dire : Notre corde. Or il paraît que, d’après un grand principe philanthropique, les cordes avaient été prescrites à Leaplow ; car on avait découvert que, lorsqu’un coquin commettait quelque délit, au lieu de l’en punir, le vrai moyen de remédier au mal était de punir la société. Le résultat de cette méthode ingénieuse fut que la société dut naturellement veiller avec grand soin pour ne permettre à personne de l’offenser. Cette excellente idée est semblable à celle de certains Hollandais, qui, lorsqu’ils se coupent avec quelque instru-