Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/33

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dément enraciné en vous. Vous n’êtes plus jeune ; et, quoique vous soyez encore fier de vos forces physiques et de votre prospérité mondaine, vous êtes beaucoup plus près du grand compte que vous aurez à rendre, que vous n’aimez à le croire. Il n’y a pas une heure que vous avez vu une âme pénitente partir pour se rendre en présence de son Dieu ; que vous avez entendu l’expression de ses derniers désirs, que vous lui avez promis, dans ces circonstances si solennelles, de les accomplir ; et déjà, dominé par un fatal esprit de cupidité, vous cherchez des subterfuges pour vous dispenser de remplir cette obligation, afin de conserver un peu d’or méprisable dans une main qui en est déjà plus que pleine. Supposez que l’esprit pur d’une femme simple et confiante fût présent à notre conversation, et déplorât votre faiblesse et la violation de votre parole : — et cette supposition est peut-être un fait, car je ne vois pas de raison pour qu’il ne soit pas permis aux esprits bienheureux de veiller près de nous et de pleurer sur nous, jusqu’à ce que nous soyons délivrés de cette masse de péché et de dépravation, qui est la demeure temporaire de notre âme. — Songez quel serait son chagrin, en voyant que sa dernière demande est si promptement oubliée, que l’exemple de sa sainte mort ne vous a pas profité, et que vous ne pouvez extirper de votre âme une faiblesse coupable.

Le ton et la manière du digne ministre firent plus d’impression sur mon père que ses paroles. Il passa une main sur ses yeux, comme s’il eût craint de voir l’esprit de sa femme, il tira à lui son écritoire, et prenant une plume, il écrivit un mandat de dix mille livres sur son banquier, et le remit au docteur avec l’air confus d’un enfant qui vient de recevoir une réprimande.

— L’enfant sera à votre disposition, mon cher Monsieur, lui dit-il en même temps, aussitôt qu’il vous conviendra de l’envoyer chercher.

Il se séparèrent en silence ; le ministre étant trop mécontent, et mon père ayant trop de regret, pour qu’ils missent plus de cérémonie dans leurs adieux.

Dès que mon père se trouva seul, il jeta un regard furtif autour de lui, comme pour voir si l’esprit de sa femme n’avait pas pris une forme palpable ou visible, et il passa ensuite au moins une heure à réfléchir sur les événements pénibles de cette soirée. On dit que l’occupation offre une consolation certaine dans le cha-