Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/336

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cent vingt-six vaisseaux de Leaplow, sous prétexte qu’ils gênaient Leapthrough. Leaplow était une trop grande nation pour supporter un tel outrage ; mais elle était aussi trop magnanime et trop sage pour se venger d’une manière vulgaire. Au lieu d’entrer en fureur et de charger ses canons, elle rassembla toute sa puissance de logique et commença à raisonner. Cinquante-deux ans se passèrent à débattre cet objet avec Leapthrough. Lorsque enfin la mort eut mis tous les individus lésés hors d’état de profiter du succès de la négociation, Leaplow se décida à rabattre les deux tiers de ses prétentions dans un sens pécuniaire, à les abandonner sans réserve sur le point d’honneur, et à terminer l’affaire par l’acceptation d’une certaine somme d’argent, considérée comme expiation suffisante de l’offense. Leapthrough consentit à payer la somme dans les termes les plus solennels et les plus satisfaisants ; et chacun se réjouit de voir ainsi se terminer à l’amiable une discussion fatigante, et qui semblait devoir être sans fin. Leapthrough était tout aussi contente que Leaplow d’être quitte de l’affaire, et très-naturellement sous tous les rapports, quoique au fait tout fût fini lorsqu’elle avait consenti à payer. Par malheur, il se trouva que le grand Sachem de Leaplow avait une volonté de fer, ou, en d’autres mots, qu’il pensait que la somme convenue devait être livrée aussi bien qu’elle avait été promise. Cette despotique interprétation du traité excita à Leapthrough un mécontentement inouï, comme à la vérité on pouvait s’y attendre ; mais elle fut, ce qui est assez bizarre, condamnée avec quelque chaleur à Leaplow même, où un certain logicien très-habile soutint que la seule vraie manière de régler un compte d’argent était d’en ouvrir un autre pour une moindre somme, chaque fois que l’époque du paiement arrivait. Méthode qui, suivie avec la modération et la patience convenables, amènerait certainement, avec le temps, l’extinction de la dette entière.

De très-studieux patriotes s’étaient chargés de l’affaire, et on présenta à la chambre quatre catégories ou plans différents. La catégorie n° 1 avait le mérite de la simplicité et de la précision. On se bornait à proposer que Leaplow payât la somme elle-même et retirât l’obligation, en se servant de ses propres fonds. La catégorie 2 renfermait une recommandation du grand Sachem ; qui conseillait à Leaplow de payer ; mais en se servant néanmoins de certains fonds venus de Leapthrough. La catégorie n° 3 était