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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/362

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— Mon Dieu ! le plus grand de tous les riddles s’absenta et ne vota pas du tout.

— Tout simplement parce qu’il ne pouvait justifier son vote, soit d’un côté, soit de l’autre. Aucun Monikin public ne peut échapper à la censure s’il ne ménage pas à ses amis la facilité de donner un motif plausible de sa conduite.

— Comment ! Monsieur, un homme ne peut-il une fois dans sa vie agir par lui-même sans être acheté comme un cheval et un chien, et sans que cela fasse tort à sa réputation ?

— Je ne puis prendre sur moi de vous dire ce que peuvent faire les hommes, répondit le brigadier. Il n’y a point de doute qu’ils conduisent leurs affaires mieux que nous ne le faisons ici ; mais quand il s’agit des Monikins, il n’y a pas de meilleur moyen de perdre sa réputation morale et même celle de son esprit, que d’agir sans un motif plausible, apparent et rationnel.

— Au nom de Dieu, que faut-il faire, brigadier ?

— Je ne vois pas d’autre parti à prendre que celui de donner votre démission. Vos commettants doivent avoir nécessairement perdu toute la confiance qu’ils avaient en vous ; car celui qui néglige aussi ouvertement ses propres intérêts, ne peut pas protéger bien chaudement ceux des autres. Si vous voulez conserver un peu d’estime, donnez promptement votre démission ; je ne vois pas pour vous la moindre chance de traverser l’épreuve n° 4, les deux opinions publiques condamnant uniformément le Monikin qui agit sans un motif visible, aussi bien que celui qui agit sans un motif important.

Noé fit de nécessité vertu, et après quelques nouvelles délibérations entre nous, il mit son nom au bas de la lettre suivante, adressée au président, et qui fut à l’instant écrite par le brigadier :


« Monsieur le président, l’état de ma santé m’oblige à résigner les hautes fonctions politiques qui m’ont été confiées par les citoyens de Bivouac, entre les mains de celui dont je les ai reçues. En donnant cette démission, je désire exprimer le grand regret que j’éprouve à me séparer de collègues aussi dignes de respect que d’estime, et vous prie de les assurer que, dans quelque lieu que ma destinée me conduise, je me rappellerai toujours avec une profonde considération chaque honorable membre avec lequel