Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/386

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laisser une impression si profonde. Cette idée m’a parfois attristé, surtout au mois de novembre. Mais en réfléchissant que les hommes se dévorent constamment les uns les autres, sous une forme ou sous une autre, je m’efforce de prendre courage et de me persuader qu’une légère différence dans l’espèce peut me décharger de l’imputation de cannibalisme.

Je reçois souvent des lettres du capitaine Poke. Il ne s’étend pas beaucoup, il est vrai, sur notre voyage ; mais j’ai décidé, tout calcul fait, que le petit vaisseau qu’il a construit a eu pour modèle notre propre Walrus et en a reçu le nom, bien loin que celui-ci ait eu pour modèle et pour parrain le petit navire du capitaine Poke. Je garde ce dernier pour le montrer à mes amis en preuve de la véracité de mon récit ; connaissant le poids d’un témoignage visible sur les esprits vulgaires.

Quant à Bob et aux matelots, je n’en ai plus entendu parler. Le premier continue très-probablement à distribuer des coups de pied, jusqu’à ce que les années et l’expérience l’aient rendu plus humain ; tandis que, ce qui arrive souvent à des chrétiens, il serait d’autant plus propre à s’acquitter de ses anciennes fonctions, que le souvenir des souffrances de sa jeunesse ranime son zèle.




Conclusion. — Voici les conséquences où m’ont conduit mes propres aventures et mes observations :

— Que tous les hommes aiment la liberté pour leur propre compte et fort peu pour celui des autres ;

— Que le voltige moral est très-nécessaire au succès politique à Leaplow, et qu’il est très-probable qu’il réussirait ailleurs ;

— Que la civilisation est une chose très-arbitraire ; ayant un sens en France, un autre à Leaphigh, et un troisième dans le Dorsetshire ;

— Qu’il n’existe nulle différence réelle entre les motifs qui conduisent les habitants de la région polaire et ceux des autres contrées ;