Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/96

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ressants étrangers ; mais mes pensées prirent à l’instant une nouvelle direction, et je trouvai bientôt que l’inquiétude pénible que j’avais éprouvée pour leur bien-être se perdait au milieu des nouveaux objets d’intérêt qui s’offraient à moi. C’est sans doute de cette manière bien simple que le système auquel je suis converti marche à son but. Dès qu’un motif d’intérêt devient pénible par son excès, il s’en présente un autre qui en détourne la pensée ; une nouvelle direction est donnée à notre sensibilité, nos affections passent de l’intensité de l’égoïsme à un sentiment plus doux et plus équitable d’impartialité, et l’esprit se trouve dans cette situation juste et généreuse, qui est le but des économistes politiques lorsqu’ils insistent sur la gloire et les avantages de leur théorie favorite de l’intérêt social.

Dans cette heureuse situation d’esprit, je me mis à lire mes lettres avec avidité et avec la détermination bien prise d’honorer la Providence et d’être juste. — Fiat justifia, ruat cœlum !

La première épître était de l’agent de mon domaine des Indes occidentales. Il m’informait qu’un ouragan avait détruit tout espoir de récolte, et me priait de lui envoyer les moyens de conduire les affaires de la plantation, jusqu’à ce qu’une autre saison vînt réparer cette perte. Me piquant de ponctualité comme homme d’affaires, je ne voulus pas rompre le cachet d’une autre lettre avant d’avoir écrit à mon banquier de Londres pour le prier d’envoyer les fonds nécessaires à mon agent, à qui j’en donnai aussi avis. Comme ce banquier était membre du Parlement, je saisis cette occasion pour lui faire sentir la nécessité que le gouvernement adoptât promptement quelque mesure pour assurer le monopole du sucre aux colons des Indes occidentales, classe respectable des sujets de Sa Majesté, et dont on ne pouvait prévenir la ruine que par ce moyen. En cachetant ma lettre je ne pus m’empêcher de réfléchir à la promptitude et au zèle que je venais de déployer, — preuve certaine de l’utilité des placements par intérêt social.

La seconde lettre était de l’administrateur de mes propriétés dans les Indes orientales. La récolte du sucre y avait été si abondante, ce qui me parut d’abord venir à propos pour remplir le vide occasionné par le manque total de récolte dans les Indes occidentales, — que le sucre se donnait pour rien dans la Péninsule, et que le transport en étant beaucoup plus coûteux que