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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/112

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humaines, et que nous pouvons entendre le bruit du vent, mais non pas savoir d’où il vient, ni où il va.

— Je ne me rappelle pas quel écrivain a dit cela, miss Effingham, répondit M. Truck fort innocemment[1], mais c’était un homme sensé ; car je crois que Vattel lui-même n’a jamais osé aborder la question des vents. Il y a bien des gens qui s’imaginent que les almanachs prédisent le temps ; mais, suivant moi, il est plus sûr de s’en rapporter à un rhumatisme de deux ou trois ans bien consolidé. Je ne dis rien de vos maladies de nouvelle invention, comme le choléra, la gastrite et le magnétisse animal ; je parle d’un bon rhumatisme comme on en avait quand j’étais enfant ; et c’est un baromètre aussi sûr que celui qui est suspendu à deux brasses de l’endroit où nous sommes. J’ai eu une fois un rhumatisme auquel j’attachais de l’importance, car il m’avertissait quand je devais attendre un vent d’est, aussi infailliblement que le meilleur instrument que j’aie jamais eu dans mes voyages. Je crois que je ne vous ai jamais raconté l’histoire du vieux maquignon du Connecticut et du typhon ; et comme nous n’avons pas autre chose à faire que d’attendre que le temps prenne son parti…

— Que le temps prenne son parti ! répéta Ève en jetant un regard presque craintif sur la grandeur sublime et terrible de la mer et du ciel, et sur les vapeurs épaisses qui couvraient l’atmosphère. Y a-t-il donc quelque incertitude dans les signes que nous voyons ?

— Que le ciel vous protège, ma chère miss Effingham ! Le temps est souvent aussi incertain et aussi peu décidé qu’une vieille fille qui reçoit le même jour trois propositions de mariage d’un homme veuf avec dix enfants, d’un procureur n’ayant qu’une jambe, et du ministre de sa paroisse. Incertain ! j’ai vu le temps dans cette situation pendant toute une journée. M. Dodge, que voilà, vous dira que le vent cherche à se décider de quel côté il doit souffler pour être populaire. Eh bien ! monsieur Effingham, comme nous n’avons rien à faire, je vous conterai l’histoire de mon voisin le maquignon. Brasser les vergues quand il ne fait pas de vent, c’est comme jouer de la guimbarde à un concert de trombones.

M. Effingharn fit, par politesse, un signe de consentement, et pressa le bras de sa fille pour l’inviter à la patience.

— Il faut que vous sachiez, Messieurs, dit le capitaine en regardant autour de lui pour rassembler autant d’auditeurs qu’il le pourrait, car il n’aimait pas à parler devant un auditoire peu nombreux quand il avait à raconter une histoire qu’il croyait devoir produire

  1. C’est la Bible.