espérant que les incidents que nous aurons à rapporter feront mieux connaître au lecteur les différents acteurs qui paraîtront sur la scène.
CHAPITRE II.
Lord Cram et lord Vultur,
Sir Brandish O’ Cuctur,
Puis le maréchal Carouser,
Et la vieille lady Monser.
e rassemblement des passagers d’un paquebot est toujours un
objet intéressant pour toutes les parties, surtout pendant la traversée
d’Europe en Amérique, qu’on ne peut jamais calculer à moins
d’un mois ; ils ont la perspective d’être enfermés pendant tout cet
espace de temps dans l’enceinte étroite d’un bâtiment avec des individus
que le hasard a réunis, sujets à tous les accidents et à tous les
caprices causés par le caractère personnel de chacun, n’étant ni
du même pays, ni du même rang, et n’ayant pas reçu la même
éducation. Il est vrai que le gaillard d’arrière est en quelque sorte
une ligne de démarcation, et les pauvres créatures qui occupent
sous le pont la chambre de l’avant semblent des êtres rejetés pour
le moment par la Providence ; mais tous ceux qui connaissent le
monde comprendront aisément que le pêle-mêle des chambres peut
rarement offrir quelque chose de fort attrayant à des personnes
d’un goût raffiné. Il existe pourtant une source particulière de soulagement
à ce mal inévitable : c’est que la plupart des hommes sont
disposés à se plier aux circonstances dans lesquelles ils se trouvent,
et ont fort à propos le désir louable de mettre les autres à l’aise,
afin de pouvoir y être eux-mêmes.
Homme du monde, homme bien élevé, M. Effingham avait envisagé ce voyage avec beaucoup d’inquiétude, à cause de sa fille, dont sa sensibilité habituelle lui avait fait déplorer la nécessité d’exposer la délicatesse et la simplicité à la société mélangée des passagers d’un paquebot. Il avait pourtant perdu une partie de ses craintes à ce sujet en voyant Ève constamment accompagnée de mademoiselle Viefville, surveillée par Nanny, et soigneusement gardée par lui-même et par son cousin. Il prit donc sa place au centre de son petit cercle, avec à peu près la même sécurité qu’un homme qui est retranché sur le seuil de sa porte.