Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/246

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remorque, avec des canots découverts, sur lesquels son monde serait exposé au feu des Arabes qui étaient sur le pont du bâtiment danois, courait le plus grand risque de ne pas réussir, si ceux-ci étaient disposés à s’y opposer.

Après avoir réfléchi quelques minutes sur sa situation, le capitaine donna ses derniers ordres. Le canot pouvait porter douze hommes au besoin, mais ils y auraient été serrés et exposés au feu ; il se borna donc à y placer huit hommes, et leur ordonna d’aller rejoindre la chaloupe. M. Leach reçut ordre de partir avec eux, tant pour diriger les opérations sur la chaloupe, que pour qu’un de ceux dont la vie était d’une si grande importance pour le paquebot eût du moins une chance de se sauver. Le départ du canot eut lieu sans alarmer les Arabes, quoique le capitaine remarquât que le scheik surveillant avec soin tout ce qui se passait.

Dès que M. Leach fut arrivé à la chaloupe, il fit placer sur son canot une petite ancre à jet, et prit ensuite un léger filin qu’il fit lover partie au-dessus de l’ancre dans le canot, partie sur le devant de la chaloupe, après l’avoir frappé sur l’ancre. Il fit alors ramer au large, et après avoir filé toute l’amarre de la chaloupe et du canot, il mouilla l’ancre. Les hommes de la chaloupe halèrent sur l’amarre ; ils furent aidés par ceux du canot, qui revint à la chaloupe dès que l’ancre fut mouillée ; et, levant les grappins qui retenaient toutes les embarcations, elles commencèrent à s’éloigner peu à peu de la côte.

Le capitaine Truck avait parfaitement calculé l’effet de ce mouvement. Il eut lieu si graduellement, que la chaloupe et le radeau furent toués jusqu’à l’ancre, avant que les Arabes comprissent bien cette manœuvre. Les embarcations étaient alors à plus d’un quart de mille du bâtiment échoué ; car M. Leach avait filé au moins deux cents brasses de cablot, et par conséquent on était à une distance qui diminuait considérablement le danger des mousquets des Arabes, quoiqu’on ne fût pas tout à fait hors de leur portée. On employa près d’une heure à cette manœuvre, et comme le vent commençait à fraîchir et la mer à s’élever, il est probable qu’en s’y prenant de toute autre manière, il aurait fallu le double de ce temps pour la terminer, si même elle eût été possible.

L’état du temps, et l’agitation tumultueuse et toujours croissante des Arabes, faisaient que tout le reste de équipage, qui était encore sur les rochers, attendait avec impatience le retour des embarcations. Un coup de vent, même sans être très-fort, les obligerait à abandonner tout ce qu’ils s’étaient procuré à force de travail et de fatigue, et, d’après les manières de ceux qui les entouraient, il devenait évident