Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

place où les matelots les avaient laissés tomber. Une cinquantaine d’Arabes s’étaient réunis autour des rochers où tout l’équipage était alors rassemblé, se mêlaient avec les matelots, et semblaient chercher à maintenir les relations amicales que M. Lundi avait établies avec eux. Comme une partie de ces hommes étaient armés, le capitaine Truck n’aimait pas cette sorte de confusion ; mais étant inférieur en nombre, il crut devoir recourir à l’adresse plutôt qu’à la force pour se tirer d’affaire.

Cependant des Arabes continuaient à arriver, se mêlaient aux matelots, remplissaient le bâtiment et couvraient le rivage. Ils étaient alors plus de deux cents, et il devint évident que leur nombre était plus considérable qu’on ne l’avait supposé, et qu’ils recevaient constamment des renforts d’une autre troupe campée derrière les monticules dessables à l’orient. Tous ceux qui arrivaient ainsi avaient des armes d’une espèce quelconque, et plusieurs portaient des mousquets qu’ils donnèrent au scheik et à ceux qui étaient arrivés les premiers. Ils ne montraient pourtant que des dispositions pacifiques, et les matelots pouvaient à peine exécuter les ordres qu’ils recevaient, tant ils étaient fréquemment interrompus par des démonstrations d’amitié.

Mais le capitaine Truck était convaincu qu’ils avaient des intentions hostiles ; et quoiqu’il se fût, jusqu’à un certain point, laissé surprendre, il travailla à réparer son erreur avec une présence d’esprit et un sang-froid admirables. Sa première mesure eut pour but de séparer son monde des Arabes. Pour y réussir, il ordonna à quelques matelots de prendre, plus haut sur les rochers, une position qui pouvait être défendue, et qui offrait même le moyen de s’y maintenir à couvert, et il ordonna alors à tous les autres d’aller les rejoindre. Pour empêcher que l’alarme ne se répandît, il les fit appeler successivement par leur nom, de sorte que tout l’équipage se trouva peu à peu réuni, avant que les Arabes, qui causaient ensemble avec beaucoup de bruit et de vivacité, se fussent aperçus de ce mouvement. Quand quelques-uns d’entre eux essayaient d’aller joindre l’équipage, ils étaient repoussés avec douceur par les sentinelles. Pendant tout ce temps, le capitaine Truck continuait à traiter le scheik avec la plus grande cordialité, le retenant près de lui, et restant lui-même au milieu des Arabes. Cependant le pillage avait commencé sérieusement sur le bâtiment, ce que M. Truck regarda comme un symptôme favorable, car ceux qui s’occupaient ainsi songeraient moins à faire une attaque. Il savait pourtant que ces barbares aimaient à faire des prisonniers, et qu’une tentative d’emmener le radeau à la