Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/322

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Après avoir attendu quelques minutes, il jeta la sonde, et, à sa joie infinie, elle rapporta trois bonnes brasses.

— C’est une bonne nouvelle, s’écria-t-il, nous nous éloignons du danger, quel qu’il puisse être ; et maintenant consultons les compas.

Il appela Saunders, qui battit le briquet et apporta une lumière ; il examina ensuite les deux compas. Ces guides fidèles, mais mystérieux, qui depuis si longtemps ont servi l’homme, en défiant son génie de découvrir les sources secrètes de leur pouvoir, furent, comme à l’ordinaire, fidèles au principe qui les gouverne. Le cap de la chaloupe était alors au nord-nord-ouest, le vent était au nord-est, et avant qu’ils eussent changé de route, ils avançaient sans aucun doute en ligne droite vers le rivage, d’où ils ne pouvaient être plus loin qu’un quart de mille. Quelques minutes de plus les auraient portés sur les brisants, la chaloupe aurait chaviré, et tous ceux qui étaient dans le rouffle auraient probablement été noyés, sinon ceux qui étaient dessus.

Paul frémit en réfléchissant à ces dangers, et il résolut de suivre la même route pendant deux heures ; alors le jour paraîtrait, et il pourrait sans danger se rapprocher de la terre.

— Ce sont les vents alisés, dit-il, et il est probable qu’ils dureront. Nous avons à combattre un courant et un vent debout. Mais je crois que nous pourrons doubler le promontoire de bon matin ; nous pourrons alors examiner le bâtiment danois à l’aide d’une longue-vue, et si nous ne découvrons rien, je tournerai le cap à l’instant vers les îles du Cap Vert.

Ils prirent alors le gouvernail tour à tour, celui qui dormait s’attachant au mât pour ne pas rouler dans la mer par suite du mouvement de la chaloupe. Quand ils trouvèrent quinze brasses d’eau, ils changèrent encore de route et gouvernèrent à l’est-sud-est, s’étant assurés d’abord par un nouvel examen des compas que le vent continuait à venir du même côté. La lune se leva bientôt après, et, quoique le ciel fût encore chargé de nuages, elle donnait assez de clarté pour que les ténèbres ne fissent plus courir aucun danger. Enfin cette longue nuit, si fertile en inquiétudes, se termina, suivant l’usage, par un premier rayon de soleil qui fit étinceler les sables du désert. Paul était alors au gouvernail, gouvernant par instinct plutôt que par calcul, et sa tête tombant de temps en temps sur sa poitrine ; car deux nuits passées sans dormir et un jour de travail fatigant avaient assoupi sa crainte du danger et ses inquiétudes pour les autres. D’étranges idées s’emparent de l’esprit des hommes en de pareils moments, et son imagination active se reportait sur quelques-unes