Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/323

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des scènes de sa première jeunesse, quand il s’entendit héler par la courte interpellation d’usage.

— Oh ! du canot !

Ces mots firent sortir Paul d’une sorte d’assoupissement ; il sentit qu’il tenait en main la barre du gouvernail, et ses yeux allaient se refermer, quand les mêmes mots furent répétés d’une voix plus ferme :

— Oh ! du canot ! — Qui êtes-vous ? Répondez, ou l’on va faire feu sur vous.

C’était parler intelligiblement, et toutes les facultés de Paul se réveillèrent en un moment ; se frottant les yeux, il vit plusieurs embarcations à l’ancre, précisément par son bossoir du vent, et un grand radeau en arrière.

— Vivat ! s’écria-t-il ; ce sont des nouvelles qui descendent du ciel ! — Êtes-vous l’équipage du Montauk ?

— Oui. — Et vous, qui diable êtes-vous ?

La vérité est qu’attendu la manière dont elle était gréée, le capitaine Truck n’avait pas reconnu sa propre chaloupe ; l’obscurité de nuit, la circonstance qu’il sortait à l’instant même d’un profond sommeil, tout contribuait à jeter quelque confusion dans ses sens. Paul mit sur-le-champ sa barre dessous, largua l’écoute, et en une minute la chaloupe du paquebot était bord à bord avec celle du bâtiment danois. Les volets du rouffle s’ouvrirent, et des têtes se montrèrent ; chacun s’éveilla sur toutes les embarcations, il y eut un mouvement général dans toute la petite flottille.

La joie de cette rencontre ne fut le partage que de ceux qui venaient d’arriver ; ils trouvaient vivants et libres ceux qu’ils avaient crus morts ou esclaves, tandis que les autres avaient à apprendre toute l’étendue du malheur qui venait d’arriver. Ce contraste jeta un air de contrainte et d’embarras sur les premiers moments de leur réunion. Le capitaine Truck reçut les félicitations de ses amis comme s’il eût fait un rêve ; Toast parut tout surpris quand son ami Saunders lui serra la main, et les passagers qui avaient été à bord du bâtiment échoué écoutèrent les compliments de ceux qui venaient d’échapper aux Arabes, en hommes qui croyaient que les autres avaient perdu la raison.

Nous n’entrerons pas dans le détail des explications qui eurent lieu ; le lecteur les comprend facilement. Le capitaine Truck écouta Paul en homme qui croit que sa raison ou celle de celui qui lui parle est égarée ; et lorsque le jeune marin eut fini son récit, il se passa quelque temps avant qu’il pût parler. Pour donner à ses idées un