Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/326

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drez encore parler de moi ; dans le cas contraire, dites en Amérique que nous avons porté nos voiles tant qu’il en est resté un haillon.

Les passagers se regardèrent les uns les autres, les plus jeunes attendant avec respect l’opinion des hommes plus âgés, ceux-ci hésitant à parler, par déférence pour l’ardeur et l’impétuosité de la jeunesse.

— Nous devons prendre part avec vous à cette entreprise, capitaine, dit enfin M. Sharp d’un ton fort tranquille, mais avec l’air d’un homme plein de résolution et de courage.

— Certainement ! certainement ! s’écria M. Lundi, nous devons faire ici cause commune ; et j’ose dire que sir George Templemore en dira autant. La noblesse n’a pas coutume de rester en arrière quand il s’agit de payer de sa personne.

Le faux baronnet consentit à prendre part à cette entreprise d’aussi bonne grâce que l’avait proposé celui qu’il avait temporairement dépouillé de son rang ; car, quoiqu’il fût d’un caractère faible et plein de vanité, il s’en fallait de beaucoup qu’il fût lâche.

— C’est une affaire très-sérieuse, dit Paul, il faut y procéder avec méthode et réflexion. Si nous avons à songer à la conservation d’un bâtiment, nous devons penser à la sûreté d’êtres qui sont infiniment plus précieux.

— Cela est vrai, parfaitement vrai, monsieur Blunt, s’écria M. Dodge avec empressement. Ma maxime est qu’on doit se contenter d’être bien ; et je suis sûr que des gens naufragés peuvent difficilement se trouver mieux que dans la situation où nous sommes. J’ose dire que ces braves marins, si on leur soumettait la question, la décideraient à une nombreuse majorité en faveur des choses telles qu’elles sont. Je suis ce qu’on appelle un conservateur, capitaine ; et je crois qu’on doit faire un appel au scrutin avant de se déterminer à une mesure si importante.

L’occasion était trop sérieuse pour qu’on pût songer à plaisanter, et la proposition étrange de M. Dodge fut écoutée en silence à son grand mécontentement.

— Je crois qu’il est du devoir du capitaine Truck de chercher à reprendre son bâtiment, dit Paul, mais l’affaire sera sérieuse, et le succès est loin d’être certain. La chaloupe du Montauk doit être laissée en sûreté à quelque distance avec toutes les femmes, et des hommes prudents pour veiller à leur sûreté ; car si ceux qui monteront à l’abordage étaient vaincus, toutes les autres embarcations tomberaient probablement entre les mains des Arabes, ce qui mettrait en danger