Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/162

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Ève répondit simplement que son extrême jeunesse, quand elle avait quitté son pays, l’avait empêchée de conserver des idées bien précises sur de pareils sujets. — J’ose dire, ajouta-t-elle, que tout ce que vous dites est très-vrai ; mais une personne comme moi, qui ne se rappelle que des pays où la société est bien plus ancienne, est un peu portée, je crois, à être plus frappée de ce qui manque encore à celui-ci, que des progrès qu’il peut avoir faits, et qui sont encore loin de l’avoir conduit à la perfection.

M. Wenham parut piqué, — indigné serait peut-être un mot plus convenable ; — mais il réussit à conserver son sang-froid, chose qui n’est pas toujours facile à un homme qui a été élevé en province et qui y a contracté toutes ses habitudes, quand il voit le peu de cas que font les autres de ce qui est pour lui le beau idéal.

— Arrivant précisément d’Angleterre, dit M. Howel, miss Effingham doit découvrir mille imperfections dans ce pays. Cette musique, par exemple, faisant allusion aux sons d’une flûte qu’on entendait dans une maison voisine, les fenêtres étant ouvertes, — cette musique doit être insupportable à ses oreilles après celle de Londres.

— La musique des rues de Londres est certainement une des meilleures, sinon la meilleure de l’Europe, répondit Ève en jetant sur le baronnet un coup d’œil qui le fit sourire, et je crois que celle que nous entendons appartient à cette classe.

— Avez-vous lu les articles signés « Minerva, » dans le Courrier hebdomadaire, miss Effingham ? demanda M. Wenham, voulant voir si elle aimait le genre sentimental, après avoir si mal réussi dans sa première tentative pour l’intéresser ; — on les regarde généralement comme une addition précieuse à la littérature américaine.

— Vous êtes un heureux mortel, Wenham, dit M. Howel, si vous pouvez trouver en Amérique une littérature à laquelle on puisse ajouter ou dont on puisse extraire quelque chose. À l’exception d’almanachs, de rapports tronqués et mal rédigés, de jugements et de vers de journaux, je n’y connais rien qui mérite ce nom.

— Il est possible, monsieur Howel, que nous n’imprimions pas nos livres sur d’aussi beau papier, et que nous ne les ornions pas d’aussi riches reliures que dans quelques autres pays ; mais quant au jugement et au style, la littérature américaine n’a à craindre aucune littérature d’Europe.