Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/191

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de mélodrames, dit Paul en souriant ; car certainement nul tonnerre artificiel ne saurait égaler celui que nous venons d’entendre. Une nappe d’eau comme celle-ci pourrait même soutenir une gondole.

— Et je crois qu’un homme habitué à l’horizon sans bornes de l’Océan pourrait s’en lasser avec le temps, dit John Effingham d’un ton expressif.

Paul fit des protestations contraires avec vivacité, et l’on continua à ramer en silence.

— Voilà l’endroit où nous avons eu si longtemps coutume d’aller faire des piques-niques, dit Ève en montrant à ses compagnons une jolie pointe ombragée par de beaux chênes, et sur laquelle on voyait une maison grossièrement construite, mais dans un état de dilapidation évidemment causé par les mains de l’homme. John Effingham sourit, tandis que sa cousine montrait cet endroit à ses compagnons, en leur promettant de leur en faire voir bientôt les beautés de plus près.

— À propos, miss Effingham, dit-il, je suppose que vous vous flattez d’hériter de cette charmante retraite ?

— Il est tout naturel qu’un jour, — un jour bien éloigné, j’espère, — j’hérite de ce qui appartient à mon père.

— Naturel et légal, ma belle cousine ; mais vous avez à apprendre qu’il existe un pouvoir qui menace de vous disputer vos droits.

— Quel pouvoir, — quelle puissance humaine peut disputer ses droits légitimes à un propriétaire ? Cette pointe nous a appartenu depuis que l’homme civilisé a mis le pied dans ce pays. Qui aura la présomption de vouloir nous en dépouiller ?

— Vous serez bien surprise d’apprendre que ce pouvoir existe avec la disposition de l’exercer. Le public, le public tout puissant, gouvernant tout, faisant les lois et les violant, a un caprice passager de s’emparer de cette pointe si chérie, et il faudra qu’Édouard montre une énergie extraordinaire pour l’en empêcher.

— Vous ne parlez pas sérieusement, cousin John ?

— Aussi sérieusement que la grandeur du sujet peut le comporter, comme dirait M. Dodge.

Ève n’en dit pas davantage, mais elle eut l’air vivement contrarié ; elle garda le silence jusqu’à l’instant où ils rentrèrent au wigwam, et alors elle se hâta d’aller trouver son père, et de lui faire part de ce qu’elle venait d’apprendre. M. Effingham, écouta