Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/208

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traits généraux de ressemblance dans leur manière de penser. Ils offraient nécessairement tous deux ces traits de caste, de condition, d’origine, et d’opinions qui caractérisent leur ordre particulier ; mais quand on en venait à ces distinctions plus subtiles qui marquent l’espèce et l’individualité, il n’aurait pas été facile de trouver deux hommes plus essentiellement différents. Le premier était hardi au moral et au physique, aspirant à tout, ayant de l’empire sur lui-même, adroit, ayant l’esprit singulièrement propre à réussir dans ses projets, quand il savait à qui il avait affaire, et intelligent pour les conduire. Si la nature l’avait jeté dans une sphère plus distinguée, les mêmes qualités qui le rendaient si propre à la situation présente, se seraient plus heureusement développées, et auraient probablement fait de lui un homme instruit, aimable, et en état de contribuer au bonheur de ses semblables. Si tel n’était pas son destin, c’était un malheur plutôt que sa faute ; car, semblable à une cire molle, son caractère, avait pris très-promptement l’impression des objets avec lesquels il était en contact. D’une autre part, Steadfast Dodge était naturellement hypocrite, lâche, vain, envieux et méchant, et les circonstances n’avaient fait que prêter leur aide à la tendance naturelle de son caractère. Que des hommes jetés par la nature dans deux moules si différents se fussent rencontrés comme à un point central commun dans un si grand nombre de leurs opinions et de leurs habitudes, c’était le résultat de leur éducation et du chapitre des accidents.

Entre les autres points de ressemblance qui existaient entre eux, était leur coutume de confondre la cause et les effets des institutions particulières sous lesquelles ils vivaient et avaient été élevés. Parce que la loi donnait au peuple cette autorité qui, sous d’autres systèmes, est confiée à un seul homme ou au petit nombre, ils s’imaginaient que le peuple était investi d’un pouvoir bien plus grand qu’ils ne l’auraient cru, s’ils eussent bien compris leurs propres principes ; en un mot, ils commettaient l’un et l’autre cette méprise qui devient trop commune en Amérique, celle de supposer que les institutions du pays étaient des moyens et non une fin. D’après cette fausse idée ils ne voyaient que le mécanisme du gouvernement, et oubliaient que le pouvoir qui était donné collectivement au peuple ne lui était accordé que pour lui assurer toute la liberté dont peuvent jouir les individus. Aucun d’eux ne s’était assez élevé au-dessus des idées vulgaires