Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/220

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— Mais qui sont les parties, monsieur Dodge ?

— Miss Ève et M. John Effingham.

— M. John Effingham ! s’écria la dame, qui voyait disparaître un de ses beaux rêves ; eh bien ! cela est par trop fort. Mais il ne l’épousera pas, la loi l’en empêchera, et nous vivons dans un pays où il y a des lois ! — Un homme ne peut épouser sa nièce.

— C’est blesser toutes les convenances, et l’on devrait y mettre ordre. Mais ces Effinghams font à peu près tout ce qui leur plaît.

— Je suis fâchée d’avoir entendu dire que leur société est excessivement désagréable, dit mistress Abbot, regardant M. Dodge avec un air d’inquiétude, comme si elle eût craint que la réponse ne fût négative.

— Aussi désagréable qu’il est possible, ma chère dame ; à peine trouveriez-vous en eux un seul trait qui vous plairait, dit Dodge ; et ils ont la bouche aussi close que s’ils craignaient sans cesse de se compromettre.

— Jamais on ne peut apprendre d’eux la moindre nouvelle, m’a-t-on dit. Il y a Dorinda Mudge qui a été employée un jour au wigwam par Ève et par Grace, et qui m’a dit qu’elle a essayé tous les moyens possibles pour les faire parler, en leur parlant elle-même des choses les plus connues, de choses que mes enfants savent au bout du doigt, comme les affaires des voisins, et comment chacun va dans son état ; mais, quoiqu’elles l’écoutassent un peu, ce qui est quelque chose, j’en conviens, elle ne put en tirer une syllabe en forme de réponse ou de remarque. Elle m’a dit qu’elle avait été tentée plusieurs fois de les planter là ; car il est monstrueusement désagréable de se trouver avec des gens qui ont la langue liée.

— J’ose dire que miss Effingham pouvait jeter çà et là quelques mots sur sa traversée et ses anciens compagnons de voyage, dit Steadfast, regardant à son tour mistress Abbot avec inquiétude. Point du tout. Dorinda soutient qu’il est impossible d’en tirer un seul mot sur rien de ce qui concerne un de ses semblables. Quand Dorinda leur parla de l’affaire factieuse arrivée dans la famille de notre pauvre voisin Bronson, — affaire bien désagréable, monsieur Dodge, et je ne serais pas surprise qu’elle brisât le cœur de mistress Bronson, — quand Dorinda leur en conta les détails, qui sont capables d’émouvoir la sensibilité d’une grenouille, aucune d’elles ne lui répondît ni ne lui fît une seule question. À cet égard, me dit-elle, Grace ne vaut pas mieux