Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/223

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— Je crois que cela doit aller au but, dit Steadfast, et nous avons pris des moyens pour en assurer la circulation.

— Voilà qui fera bien ! s’écria mistress Abbot avec un transport de joie qui lui permettait à peine de respirer. — J’espère qu’on croira tout cela.

— N’en doutez pas. Si c’était une affaire de parti, la moitié du monde le croirait, et l’autre moitié n’en croirait rien. Mais dans une affaire qui concerne un individu, chacun est toujours prêt à croire ce qui peut donner à parler.

En ce moment, le tête à tête fut interrompu par le retour des divers messagers de mistress Abbot ; et tous, comme la colombe partie de l’arche, rapportèrent avec eux quelque chose sous la forme de commérages. L’affaire de la pointe était le sujet général. À la vérité les différents rapports se contre-disaient positivement ; mais mistress Abbot, dans la bienveillance et la piété de son cœur, trouva le moyen d’en extraire la confirmation de ses désirs charitables.

M. Dodge tint sa parole, et le pamphlet fut publié. La presse, dans tout le pays, s’en empara avec avidité, comme de tout ce qui pouvait l’aider à remplir ses colonnes. Personne ne parut disposé à prendre des informations sur la vérité de l’histoire et sur le caractère de l’autorité sur laquelle elle s’appuyait. Elle était imprimée, et cela parut une sanction suffisante à la grande majorité des éditeurs et de leurs lecteurs. Très-peu avaient assez l’habitude de réfléchir par eux-mêmes pour hésiter dans leur opinion. Et ce fut ainsi qu’une injustice criante fut commise sans aucun remords contre un citoyen, par ceux qui, pour s’en rapporter à ce qu’ils disent eux-mêmes, étaient les champions réguliers et habituels des droits de l’homme.

John Effingham fit remarquer à son cousin étonné cet exemple insigne d’injustice avec ces froids sarcasmes qui étaient son arme ordinaire contre les faiblesses, les fautes et les crimes de son pays. Sa fermeté et celle de M. Effingham firent pourtant qu’on n’osa publier les résolutions adoptées par l’assemblée à laquelle Aristobule avait assisté. Au bout d’un certain temps, le premier se les procura, et les fit imprimer lui-même, jugeant que c’était le meilleur moyen de faire connaître le véritable caractère de la populace insensée qui avait ainsi dégradé la liberté en faisant profession de la servir tout en prouvant si évidemment qu’elle n’en connaissait pas l’esprit.