Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/336

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pour m’acquitter de ce devoir, quand le hasard m’apprit ce qui s’est passé ce soir. Jugeant alors qu’il n’y avait pas un instant à perdre, je suis venue ici sur-le-champ, conduite par mon amitié pour vous, et peut-être avec plus de zèle que de discrétion.

— Je vous en remercie sincèrement, ma chère mistress Bloomfield, et je n’ai pas le moindre doute de la pureté de vos motifs. Mais me permettrez-vous de vous demander ce que vous avez entendu de la conversation ?

— Uniquement que M. Powis est éperdument épris ; déclaration que je regarde comme étant toujours dangereuse pour la tranquillité d’esprit d’une jeune personne, quand elle est faite par un jeune homme aimable, très-aimable.

— Et ma part dans cet entretien, — ma réponse, — l’avez-vous entendue ? demanda Ève en rougissant jusqu’aux yeux, quoiqu’elle fît de grands efforts pour avoir l’air calme.

— Je possède trop le caractère d’une femme, — j’entends d’une femme loyale, honorable et qui se respecte, — miss Effingham, pour avoir voulu en écouter davantage, quand même j’en aurais eu l’occasion ; mais nous ne fûmes, qu’un instant assez près de vous pour entendre quelques mots de votre entretien ; ils suffirent cependant pour nous faire connaître les sentiments du jeune homme. Je ne vous demande pas de confidence, ma chère Ève, et à présent que je vous ai donné une explication, peut-être assez gauche, de ma conduite, je vais vous embrasser et retourner dans le salon, où l’on ne tardera point à remarquer notre absence. Pardonnez-moi si mon intervention a eu un air d’impertinence, et continuez à l’attribuer à son véritable motif.

— Attendez, mistress Bloomfield, attendez un instant, je vous prie ; je désire vous dire un mot avant de nous séparer. Comme le hasard vous fait connaître les sentiments de M. Powis pour moi, il me paraît juste que vous connaissiez aussi la nature des miens à son égard.

Ève s’interrompit involontairement ; car, quoiqu’elle eût commencé son explication dans la ferme intention de rendre justice à Paul, la timidité de son sexe lui ferma la bouche à l’instant où elle désirait le plus de parler. Un effort sur elle-même triompha de cet instant de faiblesse, et cette jeune fille aussi généreuse que franche recouvra son empire sur sa voix.

— Je ne puis souffrir que vous emportiez l’idée qu’il y a l’ombre d’une faute, dans la conduite de M. Powis. Loin de vouloir pro-