CHAPITRE XXVI.
omme personne ne pouvait être poli avec plus de grâce et de
délicatesse que John Effingham quand telle était son humeur, mistress
Bloomfield fut frappée de l’air noble et aimable avec lequel
il accueillit sa jeune parente en cette occasion difficile, du ton
affectueux de sa voix, et de l’expression attrayante de sa physionomie.
Ève elle-même remarqua ces particularités, et elle en
devina aisément la cause. Elle vit sur-le-champ qu’il savait quelle
était la situation des choses entre elle et Paul. Comme elle connaissait
la discrétion de mistress Bloomfield, elle supposa avec
raison que les longues observations de son cousin se joignant au
peu de mots qu’il avait entendus le soir même, lui avaient fait
connaître ses sentiments pour Paul, mieux qu’à l’amie avec qui
elle venait d’avoir une conversation à ce sujet. La conviction que
son secret était connu de tant de personnes ne causa pourtant à
Ève aucun embarras. Son attachement pour Paul n’était pas un caprice
de jeune fille ; c’était la vive et sincère affection d’une
femme. Il avait crû avec le temps, il avait reçu la sanction de sa
raison, et s’il portait l’empreinte de l’imagination ardente et de la
confiance de la jeunesse, il était soutenu par des principes louables
et par le sentiment intime de ce qui était bien. Elle savait que
son père et son cousin estimaient le jeune homme dont elle avait
fait choix, et elle ne croyait pas que le léger nuage qui couvrait
sa naissance pût avoir une influence plus que momentanée sur
leurs sentiments. Elle aborda donc John Effingham d’un air
calme et ouvert, lui serra la main avec un sourire semblable à
celui qu’une fille affectionnée aurait pu adresser à un bon père,
et se retourna pour saluer le reste de la compagnie, avec cette
aisance qui était devenue pour elle une seconde nature.
— Voilà un des tableaux les plus attrayants que l’humanité puisse offrir, dit John Effingham à mistress Btoomfield quand