Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/349

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CHAPITRE XXVI.


Quand je me marierai, ce maître dont la main doit recevoir ma foi emportera peut-être avec lui la moitié de mes soins et de mon devoir.
Shakespeare.



Comme personne ne pouvait être poli avec plus de grâce et de délicatesse que John Effingham quand telle était son humeur, mistress Bloomfield fut frappée de l’air noble et aimable avec lequel il accueillit sa jeune parente en cette occasion difficile, du ton affectueux de sa voix, et de l’expression attrayante de sa physionomie. Ève elle-même remarqua ces particularités, et elle en devina aisément la cause. Elle vit sur-le-champ qu’il savait quelle était la situation des choses entre elle et Paul. Comme elle connaissait la discrétion de mistress Bloomfield, elle supposa avec raison que les longues observations de son cousin se joignant au peu de mots qu’il avait entendus le soir même, lui avaient fait connaître ses sentiments pour Paul, mieux qu’à l’amie avec qui elle venait d’avoir une conversation à ce sujet. La conviction que son secret était connu de tant de personnes ne causa pourtant à Ève aucun embarras. Son attachement pour Paul n’était pas un caprice de jeune fille ; c’était la vive et sincère affection d’une femme. Il avait crû avec le temps, il avait reçu la sanction de sa raison, et s’il portait l’empreinte de l’imagination ardente et de la confiance de la jeunesse, il était soutenu par des principes louables et par le sentiment intime de ce qui était bien. Elle savait que son père et son cousin estimaient le jeune homme dont elle avait fait choix, et elle ne croyait pas que le léger nuage qui couvrait sa naissance pût avoir une influence plus que momentanée sur leurs sentiments. Elle aborda donc John Effingham d’un air calme et ouvert, lui serra la main avec un sourire semblable à celui qu’une fille affectionnée aurait pu adresser à un bon père, et se retourna pour saluer le reste de la compagnie, avec cette aisance qui était devenue pour elle une seconde nature.

— Voilà un des tableaux les plus attrayants que l’humanité puisse offrir, dit John Effingham à mistress Btoomfield quand