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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/103

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— C’est la pirogue, — dit le guide avec joie. — Tout va bien, sans quoi nous aurions revu Jasper plus tôt.

Une minute après, les deux embarcations, qui ne devinrent visibles l’une pour l’autre que lorsqu’elles se furent approchées, étaient bord à bord, et l’on reconnut Jasper debout sur l’arrière de la sienne. Un autre homme était assis sur l’avant, et le jeune homme ayant, par un vigoureux coup de rame, placé le visage de son compagnon en face de Pathfinder et de Mabel, ils reconnurent le Delaware.

— Chingashgook ! mon frère ! — s’écria le guide, le tremblement de sa voix annonçant l’intensité de son émotion. — Chef des Mohicans, mon cœur nage dans la joie. Nous avons bien souvent combattu ensemble ; mais je craignais que cela ne nous arrivât plus.

— Hugh ! — Les Mingos sont des squaws. Trois de leurs chevelures sont suspendues à ma ceinture. Ils ne savent pas comment frapper le Grand-Serpent des Delawares. Leurs cœurs n’ont pas de sang, et ils pensent à prendre le sentier du retour, à travers les eaux du Grand-Lac.

— Avez-vous été parmi eux, chef ? Et qu’est devenu le guerrier que vous combattiez dans la rivière ?

— Il est devenu poisson ; il est au fond avec les anguilles ; ses frères peuvent amorcer leurs hameçons pour le pêcher. — Pathfinder, j’ai compté les ennemis, et j’ai touché leurs mousquets.

— Ah ! je pensais bien qu’il serait trop audacieux, dit le guide en anglais. — Il s’est hasardé au milieu d’eux, et il nous rapporte toute leur histoire. Parlez-moi, Chingashgook, et je rendrai ensuite nos amis aussi savants que nous.

Le Mohican lui fit part à voix basse, dans son dialecte, de tout ce qu’il avait découvert depuis que Jasper l’avait laissé luttant dans l’eau avec un Iroquois. Il ne parla plus du destin de son ennemi, l’usage des guerriers indiens n’étant pas de se vanter quand ils font une relation destinée à instruire leurs auditeurs. Dès qu’il fut vainqueur dans cette lutte terrible, il nagea vers la rive orientale ; il y aborda avec précaution ; et, protégé par l’obscurité, il se mêla aux Iroquois sans être reconnu ni même soupçonné. On lui demanda une fois qui il était ; il répondit : — Arrowhead, — et on ne lui fit plus aucune question. Par les remarques qu’il entendit, il apprit que l’expédition des Iroquois avait eu pour but spécial de s’emparer de Mabel et de son oncle